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l’avenir la continuation de sa race : toute cette lignée dont les forces vives contribuaient à l’œuvre d’énergie vitale… cette lignée en qui se manifestaient, malgré des défauts et des faiblesses inévitables…, les qualités saines et robustes, le clair bon sens et la droiture de la meilleure bourgeoisie de France. » Ici, je crois qu’on nous invite à ressentir cette impression, toute à l’honneur de la famille.

Mais, plus tard, quand Simone est extrêmement malheureuse, à cause de son détestable mari, la vision de la famille n’est plus la même. Simone songe « à la rigueur de cette conception familiale qui fortifie les heureux et les soumis, renie les disparates et les révoltés ; » cet altruisme familial est « favorable à la collectivité, mais cruel à l’individu : » Jean-Marc, le Chinois. Sophie, Olivier, Simone, autant d’êtres voués, et durement, « au destin des Fabrecé plus grands, plus forts et plus prospères. » Cette fois, nous adressons à la famille de vifs reproches.

Voilà du pour ; et voilà du contre. M. Paul Margueritte s’est-il abstenu de conclure ?

S’il s’en était abstenu, ce serait par un scrupule de réaliste qui veut laisser la réalité toute seule. (Ancienne prétention des réalistes, et qui n’a jamais réussi. Madame Bovary commence, involontairement, par ces mots : « Nous étions à l’étude quand le proviseur entra… ») Il y a, de la part de M. Paul Margueritte, un peu de cette coquetterie, certainement. Mais, étant un moraliste, s’il laisse la réalité toute seule, c’est pour la laisser parler toute seule. N’a-t-on pas aperçu comment sont les personnages et le récit combinés en vue de la démonstration. En passant, notons l’artifice ; et que devient le réalisme, s’il est tendancieux ? que vaut le témoignage de la réalité, s’il n’est pas libre ?…

Que dit, en fin de compte, la réalité, complice de l’auteur ? Antoine est allé vivre avec sa sœur de lait. Il ne l’a pas épousée, mais il a fait d’elle sa « compagne : » il a un enfant. Un incendie consume l’usine des Fabrecé ; Mme Fabrecé meurt d’un tel émoi. Autant dire que la famille Fabrecé est détruite, cette famille qui était une raison sociale. Une raison sociale se refait. La famille Fabrecé va se refaire. Mais alors, elle admettra le ménage Antoine : Antoine épousera Miche et légitimera son enfant. Cet enfant sera le légitime cousin des enfans Jacquemer. Et « c’est en eux, si petits… que se reconstituait, en cette minute profonde, l’avenir de la grande famille, le destin abattu, mais vaillant des Fabrecé. »

La morale du roman, la voilà. Entre temps, M. Paul Margueritte s’est plaint de ce que la loi n’admit pas le divorce au cas où l’un des