Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Louons les écrivains qui nous révèlent la pittoresque abondance de la vie française, qui nous aident à aimer une France plus grande et plus nombreuse, plus diversement amusante et magnifique. La province fidèle a gardé beaucoup de l’ancienne vie française, qui était plus variée, originale que la nôtre, plus riche en belles singularités.

Pour compléter cette petite galerie de peintres actuels, voici M. Franz Toussaint, — un pointilliste, — et sa Gina Laura, que je comparerais, pour la vanter, aux tableaux de M. Signac.

Il me semble que j’admire cette Gina Laura ; mais je suis sûr de n’en pas tout aimer. Ce roman laisse une pénible inquiétude : mais tant d’autres ne laissent absolument rien ! Il y a, dans Gina Laura : une perpétuelle incohérence ; une terrible abondance verbale ; une familiarité souvent vulgaire ; une façon hardie et brutale de vous traiter, qui vous désoblige ; une horrible exhibition du procédé qu’on emploie ; un fâcheux abus de la trouvaille qu’on a faite ; le goût d’étonner ; une impertinence cavalière et toute dépourvue de grâce ; peu de soin.

Et il y a, dans Gina Laura, auprès du pire, le meilleur : un prodigieux éclat de la couleur, une fantaisie adroite et quelquefois ravissante ; une sensibilité bien turbulente, mais très fine ; un bel entrain, du charme ; une nouveauté franche et spontanée, dont l’auteur mésuse à l’occasion, mais dont il use, aux bonnes pages, comme d’un véritable prestige.

Il ne faut pas chercher la nouveauté : elle n’est pas le principal. Mais, quand on la trouve, elle a son agrément. M. Franz Toussaint l’avait, je crois, de nature. Au lieu de nous la montrer avec joie, pourquoi l’a-t-il affichée avec cette exaltation tumultueuse ?

C’est d’abord un extraordinaire bavardage de méridional qu’entraîne son bagout. Il est fatigant. Puis on remarque, dans ce bavardage, des merveilles mêlées à des niaiseries ; des phrases où les mots s’embrouillent si drôlement que jamais on n’avait vu tel assemblage d’oripeaux ; des phrases qui secouent des pierreries multicolores ; des phrases qui sont des traînées de lumière. Cela papillote, cela brille, cela vous éblouit : et l’éblouissement n’est pas qu’un plaisir.

Je voudrais citer une page : aucune n’est parfaite ; et c’est dommage. Aucune ne peut être détachée de l’ensemble ; et c’est un bon signe.

Il faut aller d’un bout à l’autre du volume. Il faut prendre son parti de la lassitude qu’on est sur le point d’éprouver, quand arrivent de surprenantes aubaines de divertissement.