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les suites de cette « révolution funeste, » mais l’alarme avait été chaude. Dans le public, on colportait des détails émouvans sur les angoisses du Roi, puis sur ses touchantes effusions une fois la crise passée. « Le jeune monarque, selon l’expression de Hardy, n’avait pas craint de témoigner à son auguste épouse toute la tendresse d’un bon bourgeois de la capitale, qui serait le meilleur des maris. » Et tout cela était d’un excellent effet. « Les couches de la Reine, écrivait Mercy-Argenteau, ont fait ici généralement dans tous les ordres une grande sensation. Lorsqu’on l’a crue en danger, le peuple a marqué pour elle un vrai attachement. Les petites critiques ont cessé… Ce serait un moment précieux à saisir, et dans lequel Sa Majesté la Reine pourrait donner à sa considération l’essor le plus étendu et le plus solide. Il ne faudrait pour cela que quelques légères réformes dans l’article du jeu, dans les prédilections pour les favoris et les favorites, un peu plus d’actes de bienfaisance, et témoigner quelque intérêt aux objets sérieux et utiles[1]. »

Quelques-uns de ces vœux se réalisèrent en partie. On ne peut contester que la maternité n’ait agi favorablement sur l’âme de Marie-Antoinette, n’ait amené dans sa vie quelques progrès heureux. Non contente du changement que j’ai noté plus haut dans ses manières avec le Roi, elle évite avec plus de soin ce qui peut faire scandale ; sa conduite est plus réfléchie, ses allures moins évaporées. Sans doute, de loin en loin, tombe-t-elle encore dans quelques imprudences, comme par exemple au mois d’avril suivant, lorsque, souffrante de la rougeole, elle prendra pour gardes-malades, avec la permission du Roi, quatre de ses amis, — Coigny, Esterhazy, Guines et Besenval, — les établira dans sa chambre de sept heures du matin jusqu’à dix heures du soir, tandis que les dames du Palais et les « charges de la Maison » seront impitoyablement exclues. « La compagnie de ces quatre messieurs dont ma fille a fait choix, pendant sa maladie, m’a bien affligée ! » gémira l’Impératrice[2]. Néanmoins ces « frasques » sont rares, et c’est avec bonne foi que la princesse, dans une lettre à sa mère, se rend ce témoignage : « Ma chère maman peut être rassurée sur ma conduite. Si j’ai eu anciennement des torts, c’était enfance ou légèreté, mais, à

  1. Lettre à l’Impératrice du 25 janvier 1779. — Correspondance publiée par d’Arneth.
  2. Lettres de Mercy à l’Impératrice et de l’Impératrice à Mercy, des 15 et 39 avril 1779. — Correspondance publiée par d’Arneth.