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(plénipotentiaires) français de faire connaître, dans les Cours où ils se trouvent, que ce démembrement de la Bavière se fait contre notre gré et que nous le désapprouvons[1] ! » La Heine se retirait sans avoir obtenu le plus mince avantage.

Une note confidentielle de Louis XVI à Vergennes confirme, en ajoutant quelques renseignemens sur ses vues personnelles, le récit de l’ambassadeur. « La Reine, écrit Louis XVI[2], m’a paru fort affectée d’un sentiment d’inquiétude bien juste sur la guerre qui pourrait éclater, d’un moment à l’autre, entre deux rivaux si près l’un de l’autre (l’Empire et la Prusse). Elle m’a parlé aussi de ce que vous n’aviez pas assez fait pour la prévenir. J’ai tâché de lui prouver que vous aviez fait ce qui était en vous ; mais, en même temps, je ne lui ai pas laissé ignorer le peu de fondement que je voyais aux acquisitions de la Maison d’Autriche et que nous n’étions nullement obligés à la secourir pour les soutenir. De plus, je l’ai bien assurée que le roi de Prusse ne pourrait pas nous détourner de l’alliance et qu’on pouvait désapprouver la conduite d’un allié sans se brouiller pour cela avec lui… Tout cela, termine prudemment le Roi, est pour votre instruction, afin que vous puissiez parler le même langage que moi. »

De la sorte éconduite, la Reine, pendant un certain temps, se renfermait dans une réserve qui s’accordait d’ailleurs, au fond, avec son insouciance et sa légèreté naturelles. Toutes les prières, toutes les exhortations des siens, se heurtent à une inertie dont rien ne peut la faire sortir, au grand scandale de sa famille. C’est en vain que l’Impératrice lui trace, dans une lettre à Mercy, une ligne de conduite : « Il faut que ma fille agisse avec vivacité, et aussi avec beaucoup de prudence, pour ne pas se rendre importune, ni même suspecte au Roi[3]. » C’est en vain qu’elle s’adresse au cœur de Marie-Antoinette, en essayant de l’effrayer sur l’imminence et la gravité du péril : « L’occasion est pressante. Mercy est chargé de parler clair et de demander conseil et secours. Si les hostilités sont une fois commencées, il sera bien plus difficile de concilier les choses. Vous connaissez notre adversaire (Frédéric II), qui fâche à frapper de grands coups au commencement. Jugez de ma

  1. Lettre du 18 février 1718. — Correspondance publiée par d’Arneth.
  2. Document publié par Soulavie dans ses Mémoires sur le règne de Louis XVI.
  3. Lettre du 3 mars 1778. — Correspondance publiée par d’Arneth.