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facile ; il s’était attaché à les diviser en une poussière d’États. La Bulgarie et la Serbie, après la guerre de 1877, étaient ravagées ; les hommes étaient morts ou fugitifs, les arbres coupés ; c’était le chaos, la misère et l’anarchie ; la Bulgarie n’avait pas le droit d’avoir une armée, elle n’avait ni officiers ni fonctionnaires ; c’était une nation de paysans illettrés et pauvres. Et il n’y a de cela que trente-cinq ans ! Mais ce peuple, qui avait su tant souffrir et si bien se battre, avait la volonté tenace de vivre et de grandir ; déjà, aux premières heures de sa vie nationale, il plaçait très loin et très haut le but qu’il assignait à ses efforts : la réunion en une seule nation des trois tronçons de la race bulgare ; il plantait sa capitale à Sofia, au milieu même de la péninsule, posant ainsi déjà sa candidature à un rôle plus vaste, à de plus hautes destinées. Audacieusement, il rejetait toute tutelle, même celle du « tsar libérateur ; » n’ayant pas de dynastie nationale, il adoptait successivement deux princes qui furent l’un et l’autre, avec des caractères et des talens très dissemblables, des hommes de haute valeur : le prince Alexandre de Battenberg et le prince Ferdinand de Cobourg. Dès 1885, la Bulgarie manifestait sa vitalité par un coup d’énergie ; elle annexait la Roumélie orientale et, attaquée par les Serbes, à l’instigation de l’Autriche, elle les battait. Nous avons ici même décrit ce magnifique effort d’énergie humaine, cette ascension d’une race de paysans tenaces, braves et volontaires ; nous intitulions notre article : « la force bulgare ; » et ce titre fit sourire quelques diplomates : la force bulgare est en train de donner sa mesure ! La sagesse et le tact politique du roi Ferdinand ont donné à la fougue bulgare le plus utile des contrepoids. « On peut admirer en Ferdinand Ier, écrivions-nous ici en 1907, sur un théâtre encore trop exigu, un grand acteur du drame de l’histoire. » Le roi Ferdinand est en train d’agrandir son théâtre !

La Serbie est plus vieille parmi les États organisés que la Bulgarie, mais elle a perdu beaucoup de temps en querelles intestines. Si la Bulgarie n’avait pas de dynastie nationale, la Serbie en avait deux, et c’était pire. De plus, telle que le traité de Berlin l’avait dessinée, elle ne semblait pas viable, ne touchant pas à la mer ; elle paraissait condamnée à devenir une dépendance de l’Empire austro-hongrois, et, de fait, tel fut longtemps son sort. Mais, en ces dernières années, la Serbie, dans