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Il faut agir sur le virus rabique pendant la période que les médecins appellent période d’incubation de la maladie, c’est-à-dire dans la période silencieuse qui sépare le moment de la pénétration du virus pathogène et le moment de la première manifestation symptomatique de la maladie.

Pour la rage, la durée de cette période d’incubation est variable. Comme moyenne, Ménétrier conclut, d’un grand nombre de statistiques, que le plus souvent la rage survient dans le cours du deuxième mois après l’inoculation : elle est rare après le troisième et tout à fait exceptionnelle après six mois. La limite inférieure de cette durée est la seule qui nous intéresse au point de vue de la vaccination. « Brouardel cite, comme incubation la plus courte, une observation de Bouley où elle dura sept jours ; les faits de douze jours (Tardieu) et de quatorze sont déjà moins rares. » En fait, il faut compter sur une semaine ou plutôt deux. Il s’agit donc de trouver un vaccin, qui gagne de vitesse le virus rabique et qui agisse sur l’organisme en moins de dix à quatorze jours, qui immunise l’homme mordu avant que le virus rabique soit parvenu aux organes centraux importans (comme le bulbe).

Si donc on se contentait d’atténuer le virus rabique (comme on a fait pour le choléra des poules et pour le charbon), on ferait des vaccins qui, inoculés à l’homme mordu, seraient inoffensifs et ne lui donneraient pas la rage, mais qui agiraient trop lentement et n’empêcheraient pas l’explosion de la rage et par suite la mort du sujet mordu.

Il fallait donc trouver un virus, qui fût à la fois atténué au point de vue de l’action pathogène et exalté au point de vue de la rapidité de son action vaccinante. C’est le double problème, à allure contradictoire, que Pasteur a merveilleusement résolu.

En 1881, il montra qu’il est possible d’obtenir des virus rabiques d’intensité différente par des passages successifs dans l’organisme de divers animaux. Ainsi le virus de la rage des rues s’affaiblit en passant sur le singe et s’exalte en passant sur le lapin. On peut ainsi avoir une gamme de virulences progressives, le virus d’un degré inférieur vaccinant pour le virus du degré immédiatement supérieur. D’où, la possibilité de rendre les animaux réfractaires à la rage à l’aide d’inoculations successives et progressivement plus virulentes.

La vaccination antirabique expérimentale était trouvée.