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l’adversaire, et ne pas craindre d’être surpris, c’est en toutes circonstances, sur mer comme sur terre, l’avantage prépondérant, qui double les chances du succès. L’aviation peut-elle donner cet avantage à notre défense nationale ? Il faut d’abord voir ce qu’a réalisé l’aviation ; et, sans compter sur de grands et rapides progrès ultérieurs, on saura si elle est dès aujourd’hui utilisable pour la flotte comme elle l’est pour l’armée.


V

Quatre ans à peine nous séparent du jour où Wilbur Wright, rejetant dans l’ombre les ingénieuses tentatives de MM. Santos Dumont, Delagrange et Henri Farman, apporta d’Amérique le premier aéroplane qui pût « tenir l’air. » Le 31 décembre 1908, à Auvours, il volait pendant plus de deux heures, maître de son appareil, changeant à son gré d’altitude et de direction, aux regards de spectateurs émerveillés.

Cette sensationnelle expérience allait être le point de départ de perfectionnemens qui permettraient de voler plus longtemps, plus vite et plus haut. Personne n’en doutait. Mais personne n’osait prévoir avec quelle rapidité grandiraient ensemble une science, une industrie, un art et un sport, ayant pour unique objet la conquête de l’air par cette petite machine en forme d’oiseau, et si fragile d’apparence.

Un an plus tard, M. Blériot avait franchi la Manche, M. Delagrange avait réalisé une vitesse de 80 kilomètres à l’heure, M. Paulhan s’était élevé à 500 mètres, M. Farman, d’un seul vol, avait couvert 234 kilomètres (la distance de Paris à Tours). Ces superbes « records » ne sont plus que d’exercice courant pour les élèves aviateurs. L’aéroplane aujourd’hui a porté M. Legagneux à 5 000 mètres de hauteur, sa vitesse a dépassé 160 kilomètres à l’heure avec M. Védrines. Il a franchi plus de 1 000 kilomètres sans escale, piloté par M. Fourny. Il a battu, avec ou sans arrêt en cours de route, tous les express, les « rapides » et les « côte d’azur. » La traversée de la Manche est devenue un sport pour dames : une jeune Anglaise, miss Trehawke Davies, l’accomplissait pour la onzième fois, le 28 août dernier, comme passagère, sur monoplan tandem. Dans le dénombrement de ces prouesses, l’aviation française est en tête de la liste, loin en avant des autres, et depuis plusieurs mois, l’Aéro-Club