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Il faut rabattre quelque chose de ce satisfecit, et force est bien de constater que dans ce chapitre final est le point faible de l’ouvrage, l’endroit par où Necker donne le plus de prise aux critiques. Sans doute, pour qui lit avec attention, indique-t-il loyalement que ces excellens résultats sont ceux de l’année « ordinaire, » et cette réserve exclut, pour tout homme averti, d’une part, les frais « extraordinaires » nécessités par la guerre d’Amérique, et, d’autre part, les ressources exceptionnelles et les expédiens temporaires, tels que les « anticipations. » — On entendait par là le produit des sommes empruntées aux fermiers généraux sur le produit futur des contributions ultérieures, et ce produit montait à 155 millions. — Ce correctif à ses calculs, Necker, je le répète, ne le dissimule pas, mais il néglige d’y insister ; il ne fait l’aveu qu’en passant, d’une manière presque détournée. De fait, presque tout le monde s’y trompa. D’où le reproche d’« escamotage » qui lui fut plus tard adressé par ses contradicteurs. Quand on vint au fait et au prendre, pour l’exercice de 1781 les recettes effectuées s’élevèrent à 436 millions et les dépenses à 526 millions, ce qui occasionna un déficit de 90 millions. Même pour le budget ordinaire, les chiffres de Necker ne sont pas entièrement exacts, ce qui s’explique, du reste, par ce fait qu’il s’agissait alors de simples prévisions et que les sommes inscrites dans le rapport, au début de l’année courante, n’étaient encore ni perçues ni utilisées. Le seul tort de Necker fut de présenter l’hypothèse pour la réalité et de donner ainsi à la multitude ignorante une impression trop optimiste, dont il fallut vite déchanter.

Le Compte rendu se terminait par quelques phrases émues, où le directeur général faisait un retour sur lui-même, affirmait, d’un ton solennel, ses honnêtes intentions et se rendait le témoignage de n’avoir cherché que le bien : « Je n’ai sacrifié ni au crédit, ni à la puissance, et j’ai dédaigné les jouissances de la vanité. J’ai renoncé même à la plus douce des satisfactions privées, celle de servir mes amis ou d’obtenir la reconnaissance de ceux qui m’entourent… Si quelqu’un doit à ma simple faveur une place ou un emploi, qu’on le nomme ! Je n’ai vu que mon devoir. » Aussi était-ce avec confiance qu’il déclarait s’en remettre aujourd’hui à l’opinion de ses contemporains, comme au jugement de la postérité : « Je l’avoue aussi, j’ai