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du journal de Sens ! Il contient moins de cinq cents vers ; il offre à peine vingt pièces ; mais presque toutes ont l’étrangeté et le prolongement des deux stances ainsi datées : Mai, juin 1872 :

L’ombre des arbres dans la rivière embrumée
Meurt comme de la fumée,
Tandis qu’en l’air parmi les ramures réelles,
Se plaignent les tourterelles.

Combien, ô voyageur, ce paysage blême
Te mira blême toi-même,
Et que tristes pleuraient, dans les hautes feuillées,
Tes espérances noyées !

IV

Après des détours, peut-être un peu lents, mais toutefois de quelque utilité, puisqu’ils nous ont conduits par degrés, de recueil en recueil, jusqu’au point culminant d’une sorte d’ascension, nous voici, de nouveau, en présence du manuscrit intitulé Cellulairement, et nous en voyons mieux, je crois, la place, l’intérêt dans l’œuvre poétique de Paul Verlaine. Relisons-le très attentivement et entendons ce que disent les dates.

Condamné par l’arrêt rigoureux d’un tribunal belge à deux ans de prison, Verlaine est écroué aux « Petits-Carmes » de Bruxelles en juillet 1873. Le onzième jour de ce mois, date de son entrée, au moment où la cloche annonce qu’il faut dormir, le chemineau fantasque, entravé pour un très long temps, tire de sa mémoire un bout de vers de La Fontaine : « Mais attendons la fin » et ouvre tout grands ses yeux de chat qui sommeillait et qu’on réveille : il regarde trotter « noire dans le gris du soir » et « grise dans le noir » Dame souris. La nuit se passe à écouter les ronflemens du bandit d’à côté et à mirer, par les barreaux, le « large clair de lune. » Mais

Un nuage passe,
Il fait noir comme en un four,

et à la fin, le « petit jour » paraît, « rose dans les rayons bleus : » de nouveau « Dame souris trotte. »

Cette Impression fausse est bien la suite naturelle de la série de pièces des Romances sans paroles : Birds in the night, avec