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Qu’un vent taquin parfois retrousse.
Ah ! fi de mon vieux feu qui tousse !
J’ai des fourmis plein les talons,
Voici l’avril ! vieux cœur, allons !

Il n’y a rien là qu’un réveil d’allégresse après le plus sinistre hiver. C’est plus tard, lorsqu’il voudra donner à ce passage tout profane un but religieux, que l’auteur de Sagesse modifiera, comme on l’a vu, le dernier vers : « Debout, mon âme, vite, allons ! » et y joindra le court fragment, d’inspiration chrétienne, aboutissant au vers : « Va, mon âme, à l’espoir immense. »

Sans additions, sans changemens qui méritent d’être signalés, la seconde partie de cette pièce, en passant aussi dans Sagesse, a pris un sens très différent de celui qu’elle avait primitivement. Cet « espoir » qui « luit comme un brin de paille dans l’étable, » c’est, dans la pensée du prisonnier poète, celui qu’il vit briller plus d’une fois jusqu’à la veille même de l’aventure qui le perdit, celui dont il se leurre encore dans les premiers mois de sa captivité : rêveur avide d’illusions, il se flattait d’obtenir le pardon et de reconquérir l’amour de la femme ardemment chérie et désirée. Et c’est ainsi que s’expliquent naturellement des vers qui, dépouillés de leur réelle intention, sont devenus surtout énigmatiques :

Midi sonnent. De grâce, éloignez-vous, Madame.
Il dort. Et c’est affreux comme les pas de femme
Répondent au cerveau des pauvres malheureux.

Midi sonnent. J’ai fait arroser dans la chambre.
Il dort. L’espoir luit comme un caillou dans un creux.
Ah ! quand refleuriront les roses de septembre !

Si l’interprétation mystique était possible, à la rigueur, avec ce sonnet passionné, mais qui n’est traversé d’aucune image luxurieuse, il n’en était pas ainsi du troisième fragment : « Les choses qui chantent dans la tête. » L’auteur était contraint de l’écarter : il le garda pour Jadis et Naguère, où ces vers ne détonnent pas :

Frère de sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
Ô vin, ô sang, c’est l’apothéose !