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où elles pouvaient de ce fait être placées par les signataires de cet acte ou du moins certains d’entre eux, la France et l’Espagne seraient d’autant plus fortes que serait plus entière leur mutuelle confiance et mieux concertés les desseins de leur diplomatie. Que si, au contraire, prises de défiance l’une à l’égard de l’autre, elles en venaient à se considérer comme des rivales et à se traiter comme telles, l’effort patient des années précédentes ne tarderait pas à devenir stérile, et le Maroc, divisé entre ses deux gardiens légaux, se rouvrirait aux menées des tiers. C’est cette réapparition des tiers, due à la désunion franco-espagnole qui, avec une netteté croissante d’année en année, a caractérisé la période qui va de l’acte d’Algésiras au traité franco-allemand du 4 novembre 1911.

Au début de cette période les deux gouvernemens de Paris et de Madrid eurent le sentiment clair de leur intérêt : car ils s’attachèrent à publier et à resserrer l’entente qui les unissait. Le mariage d’Alphonse XIII avec une princesse anglaise accentua l’orientation politique que le jeune Roi entendait donner à la monarchie et qu’il précisait un an plus tard dans son discours du trône en disant : « La cordialité que nous voulons maintenir et que, heureusement, nous maintenons avec les autres puissances reste toujours la même et des intérêts communs et très considérables resserrent dans le sein fécond de la paix notre amitié avec l’Angleterre et la France. » Au printemps de 1906, le Roi vint à Paris et à Londres. Au mois d’octobre suivant, M. Loubet se rendit à Madrid. En avril 1907, Edouard VII, auteur et garant de l’accord franco-espagnol de 1904, fut à son tour à Carthagène l’hôte d’Alphonse XIII.

Enfin le 16 mai 1907 deux accords rédigés en termes identiques, l’un franco-espagnol, l’autre anglo-espagnol, cimentèrent, précisèrent et élargirent l’accord des trois puissances. Elles y déclaraient que, résolues à maintenir le statu quo territorial et leurs droits dans la Méditerranée et dans la partie de l’Atlantique qui baigne les côtes de l’Europe et de l’Afrique, leur politique générale avait pour objet la défense de ce statu quo et de ces droits et que, si quelque événement semblait devoir les modifier, elles conféreraient et au besoin se concerteraient sur les mesures à prendre. L’Espagne, la France et l’Angleterre ont toutes trois des possessions dans la Méditerranée occidentale et dans l’Atlantique oriental. Parmi ces possessions, les unes sont