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que l’intervention de l’Espagne dans l’accord franco-allemand ne remit celui-ci en question. Plus simplement encore on se disait : « Les Espagnols nous suspectent ; mais ne pouvons-nous pas nous passer d’eux ? Cette affaire ne les regarde pas, puisqu’ils ne se sont jamais trouvés en conflit avec l’Allemagne. » L’Allemagne, désireuse à ce moment d’être agréable à la France, observa la même attitude, — qu’elle devait d’ailleurs adopter de nouveau en 1911. L’Espagne ainsi fut écartée, privée par le refus de la France de ce rôle d’associée que, deux ans plus toi, nous l’avions, malgré elle, forcée de tenir à Casablanca. Sans porter un jugement sur cette politique, retenons qu’elle était en contradiction avec notre politique antérieure et que de toute nécessité, ou cette fois ou les précédentes, nous avions fait fausse route. L’Espagne en conçut du ressentiment et les dispositions qui préexistaient en elle en furent encouragées. Déjà portée à prêter à la France des visées obliques, convaincue que nous cherchions à mettre la main sur le Maroc, elle trouva dans notre résolution de rester en tête à tête avec l’Allemagne la confirmation de ses soupçons.

Dès lors, son parti fut pris. Elle aurait elle aussi sa politique marocaine indépendante, calquée sur celle de la France et elle tendrait de toutes ses forces à réaliser les espérances que le traité de 1904 n’autorisait que sous conditions. La France était intervenue militairement dans la Chaouïa : l’Espagne interviendrait militairement dans le Rif. La France avait signé un traité avec le Sultan : l’Espagne, elle aussi, aurait son traité, et, s’il se pouvait, son expédition serait plus importante que l’expédition française, son traité meilleur que le traité français. L’expédition du Rif fut en effet considérable par les effectifs engagés. Ce n’est pas ici le lieu d’en retracer les phases. Souvent critiquée en Espagne par les partis de gauche, utilisée par les ministres comme un moyen de gouvernement, elle a reçu au début de 1911 la consécration solennelle de la présence royale. Alphonse XIII, accompagné de M. Canalejas, président du Conseil, est venu à Melilla, passer une revue et inaugurer des écoles. A son retour, M. Montero Rios, président du Sénat, a donné de ce voyage un commentaire qui mérite d’être rappelé : « Jamais, s’écria-t-il, souverain espagnol n’avait, depuis Charles-Quint, foulé la terre africaine. Notre peuple, sans ambition de conquête, peut désormais étendre son action de la Moulouya à