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l’Atlantique et de la Méditerranée à l’Atlas, notre ancienne frontière naturelle. »

Ceux qui connaissaient le traité de 1904 et la part conditionnelle qu’il réservait à l’Espagne auraient dû dès lors être fixés. Le gouvernement espagnol ne cachait plus son projet de s’affranchir des conditions restrictives et de se rendre maître de « sa » zone à la plus prochaine occasion. Le traité, longuement négocié avec El-Mokri pendant les six derniers mois de 1910, était moins ambitieux que les discours officiels. Il accentuait cependant, en l’élargissant, la mainmise espagnole sur les régions marocaines où elle s’affirmait déjà. Il instituait dans le Rif, — comme en Algérie, — un haut commissaire espagnol, appelé à traiter, de concert avec un haut commissaire chérifien, les questions administratives, à nommer les caïds, à contrôler les impôts, etc. Il réservait, dans les confins, à des instructeurs espagnols l’instruction de la police indigène. Il subordonnait l’évacuation des territoires occupés à des conditions qu’il dépendait de l’Espagne de ne juger jamais réalisées. Il interdisait au Sultan de fortifier les environs de Ceuta et mêlait l’Espagne à l’administration des confins des présides, de la même façon que dans le Rif. Il promettait au gouvernement espagnol une indemnité de 65 millions et l’entrée en possession, sur la côte atlantique du Maroc, de Santa Cruz de la Mar Pequeña. C’était une réplique habile au traité, moins avantageux, signé la même année par la France avec le Maroc, l’affirmation d’une résolution réfléchie de se maintenir en face de nous sur le pied d’une égalité défensive.

Telle étant la situation matérielle et morale, les événemens de 1911 devaient déchaîner la crise. Ce que furent ces événemens, on s’en souvient. La France n’ayant réussi à tirer parti du traité de 1909, ni par une collaboration économique avec l’Allemagne, ni par une collaboration politique avec le Sultan, se trouvait au début de 1911 au confluent de deux séries de fautes. N’ayant pas fortifié le pouvoir marocain, elle avait laissé grandir l’anarchie, et le progrès menaçant de cette anarchie allait l’obliger à envoyer à Fez une expédition. N’ayant mis sur pied, ni au Maroc, ni au Congo, aucune des affaires dont l’Allemagne avait espéré la conclusion, elle allait avoir à compter avec l’hostilité du gouvernement impérial dans le temps même où sa bonne volonté lui eût été le plus