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d’affaires d’Angleterre de soumettre à M. Canalejas un projet de déclaration annonçant la prompte évacuation d’El-Kçar. Mais, le 23, le ministère Monis avait été renversé. Le 29, le Cabinet Caillaux était arrivé aux affaires, et le 1er juillet, le navire allemand s’était embossé devant Agadir. Si l’Espagne n’avait pas combiné son mouvement avec celui de l’Allemagne, elle allait du moins en profiter. De là vint le modus vivendi signé le 26 juillet à Saint-Sébastien.

Il était entendu, aux termes de cet accord, que les mehallas chérifiennes ne passeraient plus l’oued Loukkos sans autorisation du commandant espagnol d’El-Kçar. L’Espagne promettait, en revanche, de ne plus enrôler nos indigènes déserteurs. Enfin les Européens étaient autorisés à circuler librement, à la condition d’être munis d’attestations de leurs consuls. L’Espagne recevait ainsi de nous de larges satisfactions. En retour nous pouvions poursuivre seuls à seuls avec les Allemands la laborieuse discussion dont le geste d’Agadir avait marqué le commencement.


III. — LE TRAITÉ DE 1912

Le 4 novembre 1911, la négociation franco-allemande s’acheva. Pendant quatre mois, les rapports franco-espagnols avaient été comme en sommeil. Une fois de plus, le principe de solidarité inscrit par les deux pays latins dans le traité de 1904, constamment pratiqué par eux de 1904 à 1907, était négligé. La France, après les incidens des derniers mois, n’avait pas voulu se donner, dans sa lutte diplomatique contre l’Allemagne, l’Espagne comme associée. L’Espagne s’était plainte à diverses reprises d’être tenue à l’écart, mais ces plaintes passagères la montraient disposée à penser que son isolement la servait en sauvegardant sa liberté. L’Allemagne, malgré des prévenances ostentatoires à l’égard du Cabinet de Madrid, ne faisait aucun effort pour l’introduire au débat. Voulait-elle, comme elle le déclarait officiellement, simplifier la question en traitant avec la France seule pour tout le Maroc ? Nourrissait-elle l’arrière-pensée de se réserver la possibilité de bénéfices ultérieurs et, le débat français une fois vidé, de se retourner vers l’Espagne en disant : « A vous maintenant de payer ? » On pouvait hésiter entre ces hypothèses, quand surtout, regardant une carte de l’Afrique,