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ses prétentions historiques, lui crée un droit. Pour user de eu droit, elle n’a rien à payer de plus. »

C’était là un désaccord de principe qui dominait le débat. Mais d’autres controverses devaient nécessairement le compliquer. La première était d’ordre géographique. Il apparaissait en effet que, même si l’on avait maintenu en droit les limites fixées par le traité de 1904, il aurait fallu les rectifier en fait. Les cartes jointes à ce traité avaient été dressées un peu au hasard : rien de plus naturel, car, à cette date, le Maroc était mal connu. La frontière alors établie ne répondait le plus souvent ni aux réalités du terrain ni à celles de l’ethnographie. In exemple ? Dans la région de la Moulouya, on avait pris comme point de repère un certain oued Defla, — ce qui veut dire rivière des lauriers-roses, — dont le nom pouvait s’appliquer à tous les oueds des environs. De même, au Nord de Fez, la ligne idéale de 1904 méconnaissait la répartition des tribus et rendait malaisée, parfois même impossible, l’œuvre de police dont la France et l’Espagne étaient respectivement chargées. Une révision s’imposait donc, ne fût-ce que pour rendre praticable l’accord qu’il s’agissait d’appliquer.

Cet accord, d’autre part, avait été rédigé en termes si généraux que l’on n’y trouvait point la base des décisions les plus urgentes. Il ne disait pas, notamment, quels seraient les rapports des deux zones protégées, l’une par la France, l’autre par l’Espagne. On ne pouvait songer à un condominium. On devait toutefois respecter le principe de l’intégrité marocaine et de la souveraineté du Sultan. Pour cela, il fallait donner aux deux zones une sorte de constitution. Or l’Espagne n’admettait point que la France, tenant le Sultan et le Maghzen, en profitât pour intervenir sous leur couvert dans le protectorat espagnol. Comme me le disait un des membres du Cabinet de Madrid : « L’Espagne ne veut pas être sous-locataire. » Et pourtant la liberté reconnue à l’Espagne ne devait pas aller jusqu’à lui assurer une situation supérieure à celle de la France et à transformer pour elle en pleine souveraineté ce qui n’était pour nous que protectorat.

En vertu du même souci d’indépendance, le gouvernement espagnol n’admettait point que des agens français intervinssent dans sa zone. Or, aux termes de contrats antérieurs, ces agens existaient et, en premier lieu, les agens du service des Emprunts