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et méridionale du Monténégro, Saint-Jean de Medua, Alessio par exemple ; mais Durazzo, il n’y faut pas compter en dehors de l’emploi de la force, et qui voudrait employer la force contre l’Autriche pour que la Serbie ait sur l’Adriatique un port plutôt qu’un autre ?

A tout cela, on répond à Belgrade : Durazzo ou la mort ; si nous sommes seuls, nous résisterons seuls ; advienne que pourra : si l’Autriche entre en Serbie, elle y entrera ; si nous devons être anéantis, nous le serons ; mais nous irons jusqu’au bout, coûte que coûte à nous, coûte que coûte, aux autres ! — C’est M. Pachiteh, président du Conseil, qui tient ce langage, qu’on est un peu surpris de trouver dans sa bouche. La Serbie se montre, dans la forme, plus intransigeante que l’Autriche, car le comte Berchtold a toujours été prudent et mesuré dans ses paroles. Et alors, on est amené à se demander sur quel concours elle compte. Sur celui de ses alliés balkaniques ? Mais ils sont bien fatigués et nous hésitons à croire qu’ils aient pris des engagemens avec elle jusques et y compris le port de Durazzo : on dit même que M. Daneff, dans ses conversations avec le comte Berchtold, à Pest, a reconnu le contraire. Serait-ce sur la Russie ? Mais la Russie lui a donné et nous a demandé, ainsi qu’à l’Angleterre, de lui donner avec elle des conseils de modération. On ne croit pas à Belgrade à la force de ces conseils. Le gouvernement russe, y dit-on, sera entraîné par l’opinion et il l’est déjà. Sans doute, tout peut arriver ; mais, à force d’envisager tous les possibles, on aboutit à l’absurde. A quels étranges ricochets l’imagination des pessimistes ne s’abandonne-t-elle pas déjà ? La Russie sera obligée d’intervenir pour les Serbes contre l’Autriche ; et alors l’Allemagne sera obligée d’intervenir pour l’Autriche contre la Russie ; et alors la France sera obligée d’intervenir pour la Russie contre l’Allemagne ; et alors l’Italie et l’Angleterre… Nous hésitons à croire que leurs traités engagent si étroitement toutes les puissances les unes envers les autres dans une affaire qui aurait pour point de départ l’intransigeance de la Serbie dans sa prétention sur Durazzo. Sûrement, le fil casserait en quelque endroit. Mais nous n’en sommes pas encore là !

Il est vrai que l’Allemagne et l’Italie soutiennent l’Autriche, leur alliée ; elles la soutiennent officiellement et, nous voulons le croire, très sincèrement : l’Italie toutefois ne le fait que dans certaines limites et l’Allemagne qu’à certaines conditions. C’est du moins ce qui résulte de toutes les notes, de tous les communiqués officiels ou officieux qui paraissent dans les journaux et qui, nous devons le dire, contribuent peu à clarifier la situation. L’attitude de l’Italie, en particulier,