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Je reçois une masse énorme de lettres pour Paris. Je les fais passer comme je peux, mais avec bien peu de chances de succès. J’ai des moyens de faire parvenir des nouvelles par les courriers du ministre, mais c’est une grande faveur, qui n’existe pas pour le public et dont je ne puis faire profiter que des amis intimes. Quand un courrier part, je fais une liste d’adresses et de noms avec une ligne pour chacun, et si le courrier arrive, l’ami qui reçoit la liste écrit à tout ce monde. Mais le papier est petit et la liste bien restreinte, de sorte qu’il ne faut pas en parler. J’ai réussi à envoyer quelques lettres, très petites.

J’ai des nouvelles directes de Lyon par un de mes amis, professeur à Douai, qui y a passé deux jours en retournant chez lui. Les choses ont été très exagérées, et la ville n’est pas du tout dans l’état où on la peint. C’est du reste la plus mauvaise avec Toulouse. On ne considère pas les allaires de Marseille comme très sérieuses.

Ce qui manque, c’est un général. Jules Favre, Gambetta et Dorian ont rendu d’énormes services : le premier domine la situation par une hauteur de vues et de langage vraiment admirables ; le second est très énergique et à la clarté d’action qui manque à beaucoup d’hommes ; Dorian dirige les travaux. Mais, hélas ! ce sont quelques hommes sur une mer bien troublée. Et ils sont entourés de gens médiocres et maladroits qui les paralysent en même temps qu’ils augmentent les répugnances et les inquiétudes de la province.


Midi.

Les Prussiens doivent souffrir beaucoup. Je le tiens de source sérieuse. Leurs incursions au Sud et dans l’Ouest sont autant pour se ravitailler que pour arrêter la formation des armées de dégagement. On dit beaucoup de bien de M. de Freycinet. On a vu, pour la première fois depuis son arrivée, de grandes cartes étalées sur une table. L’incapacité et l’incurie de beaucoup de nos officiers dépassent la mesure. On n’avait pas ici de cartes des environs de Paris. Nous avons fait acheter à Vienne tous les exemplaires de la carte prussienne qu’on a pu trouver. La Guerre n’y a rien compris et s’est jetée dessus. Il ne faut pas désorganiser ce qui reste de l’armée, mais des réformes profondes sont nécessaires.

J’ai pensé à tenir un journal, mais je ne puis écrire les plus intéressantes des choses que je vois, ce serait contraire au