Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/896

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


6 février

… Ici la situation a failli devenir grave ; mais l’amollissement général est tel que les émeutes deviennent difficiles. Je ne redoute rien de sérieux maintenant : la manifestation d’hier, préparée avec un art de mise en scène remarquable par les agens de l’Internationale a échoué complètement, Gambetta, qui n’entend pas raillerie quand il s’agit de partager son pouvoir, les a écartés, sauf à s’allier plus tard avec eux. Son opposition avec Jules Simon a failli devenir plus grave et le conflit pouvait être poussé à des conséquences extrêmes : elles ont pu être évitées. Que Gambetta cède ou non, il n’est pas contestable que la loi de Paris sera suivie.

Mais il ne s’agit pas de cela, non plus que de la revanche : celle-ci doit être au fond du cœur de tous les français, mais si on y tient sérieusement, il faudra transformer la colère en patience : autrement, elle se dissipera en déclamations vaines, en efforts inutiles, et si profonde que soit la douleur, elle sera sans leçon et sans fruit ; c’est une question de temps, et il dépendra de nous tous de la résoudre. Sur ce point on ne peut répondre que de soi, et lorsque le devoir est si clairement, si impérieusement tracé, à quoi bon regarder autour de soi, et chercher à deviner le résultat ? Le découragement viendrait et ce serait pire.

Il ne faut à aucun prix et maintenant moins que jamais se laisser abattre. Depuis que le sang ne coule plus, je retrouve mon ardeur et la conscience de moi-même : je n’avais auparavant que de la résignation et bien peu d’espérance, je marchais tout droit les yeux fermés. Il faut agir et très énergiquement. Je crois que l’Assemblée sera bonne, mais très confuse d’aspirations et assez vide d’idées. Elle aura peu de dangers à redouter ici, à moins d’une indigne trahison qui amènerait à Bordeaux des émeutiers patentés de Lyon ou de Marseille.


25 février.

A sa mère.

Cette fois, je sais que vous êtes bien réellement occupés. J’espère bien qu’il ne vous sera rien arrivé de mal et j’attends avec impatience des nouvelles de vous.

Je me porte parfaitement bien et tout est très tranquille.