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nation de refuser son argent au pouvoir central, si ce pouvoir ne gouvernait pas dans l’intérêt du pays. C’est là, proprement, la liberté nationale, et, là où ce pouvoir existe, il y a liberté nationale et, là où il n’existe pas, il n’y en a point.

Or cette liberté nationale est la garantie des libertés partielles, et voilà pourquoi, — je reviens, — ces libertés partielles, sous l’ancien Régime, n’existaient pas, en réalité n’existaient pas. Elles existaient par tradition, par habitudes, par effet de la chose acquise, par effet de la possession ; elles existaient historiquement pour ainsi dire, mais elles n’existaient que précairement. Oui, il y avait des libertés corporatives, mais elles étaient gênées partout par la juridiction incohérente du temps ; oui, il y avait des libertés municipales, des maires élus, etc. ; mais ils étaient continuellement contrecarrés et entravés tant par les gouverneurs, que par les intendans ; oui, il y avait indépendance de la magistrature ; mais on faisait un coup d’Etat contre elle tous les dix ans et dans toutes les circonstances où cette indépendance eut été utile à la liberté nationale ; oui, il y avait des Etats d’élection, c’est-à-dire des provinces qui avaient un parlement ; mais des décisions de ces parlemens on ne tenait jamais compte. Il ne faut pas savoir un mot d’histoire de France pour croire qu’il y ait eu ou liberté ou libertés en France depuis Richelieu.

Ce qui trompe, c’est que l’on commence par recevoir des professeurs d’histoire cette idée générale que la monarchie française était une monarchie absolue ; puis, quand on fait de l’histoire sérieusement, on s’aperçoit qu’à la vérité, il n’y avait en France aucune liberté nationale puisqu’il n’y avait pas de parlement maître de la bourse, mais qu’il y avait une foule, une quantité innombrable de libertés particulières, et l’on se dit : « Quelle bêtise mes professeurs m’ont enseignée ! » puis enfin, quand on pousse encore plus loin, on s’aperçoit que ces libertés particulières n’existaient que sur le papier, ne se réalisaient un peu qu’en temps de trouble, somme toute, n’avaient rien de solide et que ni liberté, ni libertés n’existaient réellement sous l’ancien régime. Sur ce point, l’ignorance donne la vérité, un peu de savoir en éloigne, et beaucoup de savoir y ramène. Le mot définitif est bien celui de Mme de Staël : « L’ancienne Constitution française, une admirable constitution, mais qui n’a jamais été qu’enfreinte. » De sorte qu’avec l’ancienne Constitution