Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/931

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

penser, merveilleusement rehaussé et étendu, tandis que l’excitation intérieure résultant pour elle de sa nouvelle existence avait eu pour effet d’aviver sensiblement l’acuité psychologique et la pittoresque richesse de ses impressions. Sans compter qu’il lui avait été donné d’assister, pendant son séjour auprès de la famille royale, à un événement tragique dont personne ne nous a plus fidèlement décrit toutes les péripéties : c’était presque sous ses yeux qu’en novembre 1788 le roi George III, jusqu’alors débordant de santé, avait subi la première crise, heureusement toute passagère, du délire qui devait plus tard s’installer à demeure dans son pauvre cerveau. Qui ne se souvient d’avoir lu, tout au moins dans une sélection des pages les plus mémorables de la prose anglaise, le récit que nous a laissé Fanny Burney de la soudaine éclosion du mal, remplissant aussitôt d’un mélange silencieux de terreur et d’angoisse les élégans salons du palais de Windsor ?


Or, voici qu’une heureuse fortune vient d’échoir à tous les admirateurs du Journal intime de Fanny Burney ! Dans le même temps où les recherches patientes d’une dame anglaise nous révélaient un ensemble de plus de 500 lettres inédites de Mme du Deffand à Horace Walpole, voici qu’une autre dame non moins érudite, miss Constance Hill, nous a donné tout un gros volume plein de fragmens inédits de ce Journal et des lettres intimes de l’illustre bas bleu, — car il se trouve que le recueil publié en 1842 était fait surtout d’une série de lettres, transformées plus tard en « journal » par la simple suppression des premières et dernières lignes. Au moment où elle a procédé à ce travail de remise au point, la vieille Mme d’Arblay s’est crue tenue de supprimer aussi, du recueil qu’elle s’apprêtait à faire paraître, un bon nombre de lettres entières, soit qu’elle les regardât comme ayant un caractère trop « personnel, » ou bien par des scrupules de convenances mondaines. Dans les chapitres dont je parlais tout à l’heure, notamment, consacrés au récit du séjour de Fanny à la cour de George. III, l’auteur a omis de reproduire une cinquantaine de lettres des plus intéressantes, qui nous sont enfin restituées avec de savans commentaires par miss Constance Hill, et dont la lecture aura de quoi compléter très utilement ou même parfois modifier tout à fait notre connaissance de l’une des périodes à coup sûr les plus curieuses de la longue carrière de Fanny Burney.

C’est ainsi que, tout d’abord, ces lettres nouvelles nous permettent de découvrir, dans l’existence privée de la jeune femme, un petit