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propos de Salonique qu’elles occupent toutes deux et dont elles revendiquent également la possession. La situation y est même assez paradoxale, le roi de Grèce s’y étant installé avec sa famille pour y passer l’hiver et le roi des Bulgares y ayant envoyé son fils avec 50 ou 60 000 hommes qui auraient semblé pouvoir être plus utilement employés devant Tchataldja. » La querelle a été assez vive entre les chefs militaires des deux armées, chacun d’eux prétendant avoir combattu et battu les troupes turques, tandis que l’autre profitait, pour entrer dans la ville, d’une victoire à laquelle il n’avait pas contribué. Le général bulgare a même accusé le général grec, dans un rapport qui a été publié, d’avoir, pendant la bataille, accordé aux Turcs des conditions « avilissantes, » pour leur faire évacuer la ville et lui permettre d’y entrer le premier. Nous n’insisterons pas sur ces incidens et, si nous en parlons, c’est pour montrer que l’accord entre les alliés, quelque nécessaire qu’il soit encore, n’est peut-être pas aussi ferme qu’il le faudrait. Cela vient de ce que cet accord, lorsqu’il a été conclu avant l’ouverture de la guerre, n’en avait pas prévu toutes les suites ; elles ont été plus étendues qu’on ne l’avait espéré, de sorte que, sur bien des points, rien n’avait été déterminé par avance et que tout peut devenir maintenant sujet de contestation. L’attitude isolée de la Grèce dans la question de l’armistice vient-elle de là ? On ne sait : en réalité, rien ne l’explique d’une manière tout à fait satisfaisante et, même dans l’hypothèse où la Grèce y trouverait quelque avantage, il est à craindre que l’inconvénient ne soit encore plus grand. Il permet, en effet, aux tiers de croire que l’alliance, à la première épreuve, a perdu quelque chose de la force qu’elle trouvait dans la parfaite union des quatre participans.

Ces difficultés seront surmontées sans doute ; ce ne sont pas les plus graves de l’heure présente ; il faut réserver ce caractère à celles qui se sont produites, on ne le sait que trop, entre l’Autriche et la Serbie. On voudrait croire qu’elles sont déjà aplanies et on aurait pu l’espérer après la décision prise par la Serbie de remettre sa cause entre les mains des puissances et de se plier à leur sentence, quelle qu’elle soit ; mais l’Autriche, qui a commencé, il y a quelque temps déjà, des arméniens considérables et les poursuit avec une inlassable activité ; l’Autriche, qui se tait et mobilise, qui change précipitamment son ministre de la Guerre et son chef d’état-major général, qui se prépare à quelque chose sans qu’on sache précisément à quoi, l’Autriche reste une énigme, et toute énigme en ce moment est inquiétante. Celle-ci l’est d’autant plus que, si l’Autriche ne parle pas, l’Allemagne