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V. — CONCLUSION

Que devons-nous conclure de l’examen auquel nous venons de nous livrer ? Il est évidemment délicat de faire une comparaison dans les conditions où se sont déroulés les événemens des deux années que nous avons rapprochées ; 1907 a vu une crise économique violente, complète ; 1911 a été gros de menaces politiques, qui n’ont pas été jusqu’à la catastrophe, c’est-à-dire la guerre : en revanche, elle s’est trouvée en face d’une production agricole bien inférieure dans l’ensemble à celle dont le monde disposait en 1907, et aussi des dispositions hostiles du gouvernement fédéral de Washington vis-à-vis des trusts. De ces deux chefs il y avait aggravation. Néanmoins, la raréfaction du capital a été beaucoup moindre en Europe cette année qu’elle ne l’avait été aux Etats-Unis il y a quatre ans ; mais d’autre part, la lutte du président Taft contre les organisations financières, commerciales et industrielles qui ont contribué à la prospérité américaine est devenue beaucoup plus vive et a créé sur le marché d’outre-Atlantique un malaise qui, sajou tant aux menaces de complications européennes, l’ont par momens singulièrement troublé.

En essayant de dégager la leçon des événemens que nous avons rappelés, nous devons tout d’abord établir que la crainte d’une guerre peut avoir des effets inquiétans sur les marchés, mais que ces effets ne sont rien eu comparaison de ceux que produirait la lutte armée entre deux ou plusieurs grandes nations. Des bruits de conflit, des négociations pénibles, des campagnes de presse acrimonieuses, rendent les capitaux craintifs, les font rentrer dans leurs serres, mais ne les détruisent pas. Aussitôt que l’opinion publique est rassurée, les millions passagèrement disparus reviennent sur le marché ; ils s’emploient de nouveau en escompte, en avances, et permettent à la circulation normale de se rétablir et de remettre en mouvement l’organisation économique. Une guerre anéantit au contraire une quantité formidable de capitaux : le plus précieux de tous d’abord, les vies humaines, les jeunes hommes qu’elle fauche, dont les bras et le cerveau manqueront à leur pays ; elle consomme d’énormes approvisionnemens de vivres,