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cloches sonnent les carillons clairs de nos villages de France. Mais les colons affluent, les banques s’agrandissent, les terres montent ; on cultive ici la vigne par lieues carrées, comme le blé dans la pampa de l’Est.

Quel contraste, lorsque, franchi par trois mille mètres le tunnel de faîte, le transandin, grinçant sur sa voie à crémaillère, atteint les premiers hameaux chiliens ! Arrêtons-nous, au passage, à Santa Rosa de los Andes, dont la hauteur au-dessus de la mer correspond à peu près à celle de Mendoza. Ce n’est qu’un modeste chef-lieu d’arrondissement, peuplé de huit à dix mille âmes ; bien que tête de ligne de la route qui traverse les Andes, rien n’annonce que l’existence y soit agitée ; de paisibles attelages de bœufs traînent dans les rues des chariots à roues pleines ; les cavaliers, arrivant de la campagne, laissent leur cheval seul, les pieds de devant entravés par une courroie, à la porte des maisons où leurs affaires les appellent ; le gérant de la poste s’aperçoit sans émotion que sa provision de timbres est épuisée ; Santa Rosa ne connaît pas encore le cinématographe ; à peine y trouve-t-on des cartes postales illustrées. Mais une tannerie, française, travaille sous une direction moderne et intelligente ; une minoterie, française aussi, emploie des machines des meilleurs constructeurs ; les employés anglais du chemin de fer transandin ont établi un tennis près de la gare, au pied d’une colline qui finit par un sanctuaire, et dont les rochers portent en lettres immenses l’inscription Ave Maria.

Descendons sur Santiago ; la capitale politique et administrative du Chili est entourée d’un cadre merveilleux de montagnes neigeuses, à l’Est le massif souverain de l’Aconcagua, dont la cime dépasse 7 000 mètres, à l’Ouest les hauteurs côtières dont il faut couper l’obstacle pour atteindre l’Océan Pacifique à Valparaiso. Un ingénieux bienfaiteur, Vicuña Mackenna (mort en 1885), a écrit l’histoire de Santiago et du vieux Chili, en aménageant, au milieu de la ville, la butte appelée Cerro de Santa Lucia : là les Espagnols avaient fondé leur primitive citadelle ; des couvens, dont plusieurs subsistent encore, s’étaient nichés à l’ombre de ce donjon. Les ruines militaires ont fait place à une promenade pittoresque, où des belvédères imprévus surgissent de bouquets d’aloès et de mimosas ; des écussons de fer et de pierre, exhumés pendant les travaux,