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sont redressés sur des portes en grilles ; des statues sont dispersées dans la verdure : le conquistador Valdivia, un chef d’Indiens Araucans, un prélat du XIXe siècle, premier archevêque du Chili émancipé ; le restaurateur du Cerro y repose en une petite chapelle, Pharaon dans sa pyramide. Luttes contre les Araucans et prédication catholique, établissement de moines et de cadets de famille, voilà ce que nous raconte le Cerro sur le Chili d’hier, dont n’est pas encore profondément différencié le Chili d’aujourd’hui.

Tout autre que Santiago, qui garde une allure de capitale coloniale espagnole, Valparaiso est la ville des contacts avec le dehors, un de ces ports que Cicéron déjà dénonçait comme encourageant les innovations et les usures du cosmopolitisme. On aurait tort d’y chercher un outillage moderne dont, à vrai dire, le tremblement de terre de 1906 a retardé la création ; Valparaiso est, plutôt qu’un port, une rade, dangereuse dès que se lève le vent du Nord ; on voit alors les paquebots se mettre sous pression, pour être prêts à gagner le large dès la première alerte. Eventrée par la catastrophe, Valparaiso n’a pas encore pansé ses blessures ; la ruine de nombreux édifices, dans le quartier qui était précisément le plus neuf, l’a rejetée de plusieurs années en arrière ; par là s’accuse son aspect de port la fin où la vie populaire, mêlée à celle des marins de passage, grouille à ciel ouvert, en marge du mouvement plus bourgeois qui est la comptabilité de cette fourmilière ; voici, comme à Naples, des étalages de frutti di mare, des maisons aux murs peints où du linge sèche aux persiennes, des rues où les enfans d’honnêtes boutiquiers jouent à cache-cache sous les fenêtres de filles fardées qui guettent les matelots. Le dimanche, avec ses bains de mer, ses éventaires de sucreries et de fritures, ses bandes de gamins cherchant des coquillages aux pointes des rochers, la crique des Torpederas fait penser au coin des Catalans, sur la corniche de Marseille.

Le peuple chilien, en effet, est près de nos peuples de la Méditerranée ; il est serviable, jovial, peu exigeant dans ses besoins aussi bien que dans ses distractions ; après un travail dont sa vigueur supporte aisément la fatigue, il se plaît aux réunions, à la causerie, à la danse ; doit-on voir là une descendance des origines andalouses ? Les feuillages et les fleurs, dont la nature chilienne est prodigue, offrent le décor frais et peu