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II

Qu’est donc la nation chilienne ? Comment s’est-elle faite, et comment son histoire l’explique-t-elle ? François Pizarre, après avoir conquis l’empire péruvien des Incas (lî>24-1 ; j32), désigna l’un de ses compagnons, Almagro, pour une expédition dirigée au Sud ; cette première colonne, après avoir franchi péniblement des plateaux neigeux, troués de volcans, découvrit enfin des vallées fertiles, au climat tempéré, dont elle prit possession ; Almagro touchait aux limites du Chili central d’aujourd’hui. Après lui, Pedro de Valdivia s’avança plus loin, et fonda Santiago, en 1541 ; il avait emmené des familles et, d’accord avec quelques caciques, ou chefs indigènes, commença une véritable colonisation ; dans ses lettres à Charles-Quint, il décrit le pays comme tempéré, très sain, riche en bois qui font contraste avec l’aridité des régions qui le séparent du Pérou. Descendant toujours au Sud, le long de la côte du Pacifique, les Espagnols se heurtèrent à des indigènes plus résistans, les Araucans, qu’ils apprirent à estimer en des combats meurtriers ; contre eux, ils se fortifièrent dans des villes, sans jamais renoncer à reculer vers le Sud les limites de leur conquête ; des Jésuites allèrent prêcher l’évangile aux Araucans, mais leurs succès furent lents ; au XVIIIe siècle seulement, les pionniers avaient pénétré jusqu’à la lisière des archipels qui prolongent la côte de terre ferme, provinces actuelles de Valdivia et de Llanquihué.

Le Chili proprement dit est cette zone centrale, isolée au Nord par les steppes que transforme de nos jours l’industrie minière, disputée au Sud par les Araucans ; de ces conflits mêmes, qui ont tourné peu à peu à la fusion des races, est née une population robuste qui a grandi surtout par ses propres forces car, si loin de l’Espagne, au terme de routes terrestres difficiles, jamais une immigration intense n’est venue la renforcer ; les gouverneurs du Chili, les riches propriétaires ou kacendados entre lesquels avait été partagé le domaine des terres et des indigènes soumis, se livraient volontiers à l’agriculture ; ils expédiaient par mer des vivres au Pérou ; par les vallées rapides qui tombent des glaciers, ils remontaient vers la