Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en raison de l’horizontalité du sol, vient d’être terminé par une Société française.

Notre colonie a dû beaucoup, — on ne m’en voudra pas de prononcer ici un nom propre, — au ministre de France, tout récemment admis à la retraite, qui a consacré au Chili près de sept années de sa carrière, M. Paul Desprez. Les Français, à l’étranger, sont souvent individualistes à l’excès, ou bien, croyant honorer la France en n’abdiquant rien des passions métropolitaines, ils se campent par groupemens rivaux et consacrent leurs loisirs à de mutuelles excommunications ; ils ont besoin d’un conseiller amical qui, sans indiscrétion ni brusquerie, s’intéresse à leurs succès, adoucisse les jalousies personnelles, multiplie les occasions de rapprochement, concilie, en vue de tâches communes, des bonnes volontés qui se boudaient et souffraient peut-être, en silence, de ne pouvoir s’entendre ; ce rôle délicat est celui du ministre de France. Il faut, pour le bien remplir, ne pas se sentir un passant, — c’est trop souvent le cas dans l’Amérique du Sud, — et se dépenser beaucoup en efforts de détail, dont on sait d’avance qu’il sera peu parlé au quai d’Orsay. Il est vrai que, lorsque l’on quitte sa résidence, on est salué, comme le fut M. Paul Desprez, par l’unanimité d’une reconnaissance émue, qui s’exprime autrement que par des rites officiels.

L’union réalisée de tous les résidens français du Chili s’est exprimée, en 1909, par la fondation d’un « mausolée » de la colonie, au cimetière de Santiago. Après quatre années de démarches patientes, le ministre de France, aidé de deux ou trois concitoyens estimés de tous, s’assura les fonds nécessaires — une cinquantaine de mille francs et, ce qui valait plus encore, le concours dévoué de tous ses administrés ; un architecte français, fonctionnaire distingué du gouvernement chilien, dressa gracieusement la maquette ; les Sociétés de secours mutuels, la Société française de bienfaisance s’empressèrent de souscrire ; désormais, tous les Français qui ne reposeraient pas à Santiago dans des tombes de famille, goûteront dans le mausolée la paix d’une suprême réunion ; ils dormiront sous un manteau de terre de France, rapportée tout exprès, et pieusement étendue sur les fondations. Le monument est tout proche de celui que Santiago a élevé aux pompiers morts au feu ; deux pompiers des compagnies françaises sont ensevelis