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la hausse du terrain déposséda les ouvriers-propriétaires.

Cette dépossession fut toute volontaire : ils vendirent, à Paris, peu à peu, au cours des XVIe et XVIIe siècles, leurs cabanes et leurs courettes de jadis, pour réaliser un bénéfice qui les enrichissait ; comme ont fait depuis cinquante ans les propriétaires d’une maison de campagne avec jardin, dans les quartiers de Passy ou de Monceau, parce que sa valeur nouvelle représentait, dans leur budget, un loyer disproportionné avec d’autres jouissances qu’ils lui préféraient.


II

Aujourd’hui, malgré la révolution accomplie dans les transports, les marchandises lourdes ou encombrantes voient facilement doubler leur prix initial par un trajet de quelque longueur sur voie ferrée. On devine qu’il en coûtait gros de véhiculer à grande distance des matériaux de construction en un temps où, sans parler des modes de locomotion modernes, la navigation fluviale était fort entravée et où ce qu’on appelait des « routes » n’étaient que des pistes naturelles, trouées de fondrières en hiver. De là grands écarts dans les prix, d’une ville et d’une région à l’autre, car ces matières premières voyageaient fort loin : un entrepreneur obtenait de François Ier(1534) la permission d’enlever, sans payer les droits de sortie, et de mener en Angleterre mille mètres cubes de pierre de Saint-Leu, près Senlis, 20 000 hectolitres de plâtre et 50 caisses de verre.

En France, à la fin du moyen âge (1501), la pierre de Saint-Leu, brute, prise à la carrière, que le cardinal d’Amboise employait pour son château de Gaillon, ne valait que 18 francs le mètre cube et celle de Vernon 38 francs ; maisàTroyes (1488) la pierre de Tonnerre se payait, port compris, 90 à 100 francs le mètre cube. À Craon (Mayenne) un simple « parpain, » pierre d’encoignure, valait 5 fr. 20, c’est-à-dire plus cher que de nos jours ; une pierre pour seuil ou linteau de porte valait de 8 à 13 francs ; à Perpignan, la marche d’escalier en pierre de Baiscas se vendait 30 francs (1478).

Aux temps modernes, la pierre de taille de Saint-Cloud, employée à Paris à la construction de la porte Saint-Denis (1678), revenait à 170 et 203 francs le mètre cube. Ce devait être un