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l’ameublissement par les hersages, le repos de la terre à l’état de jachère, la culture des plantes fourragères. Il s’ensuit que le morcellement (en entendant par cette expression la dispersion de parcelles appartenant au même propriétaire), bien qu’il pèse sur l’initiative individuelle, qu’il diminue le profit des améliorations partielles et qu’il empêche la réorganisation complète de l’exploitation, ne voue pas à un insuccès absolu certaines règles culturales. Leur défaite provient d’un autre genre de morcellement, qui consiste dans l’alternance et l’enchevêtrement des parcelles appartenant à de nombreux propriétaires.

Dans la commune à feux héréditaire ? , l’assemblée communale n’a aucun droit d’action sur les feux isolés, en ce qui concerne l’exploitation de leurs lots respectifs ; seule, l’influence du mir continue à agir comme celle d’une masse inerte, rebelle à tout progrès de culture. La façon primitive d’exploiter le sol, conservée par les communes, se distingue par un ensemble de particularités qui détruit tout essai d’innovation, s’il est tenté par l’individu isolé. En premier lieu, figure le pâturage du bétail sur les jachères et les chaumes. Il suffit de cette coutume enracinée de longue date, pour que nul des propriétaires, même le plus entreprenant, ne puisse agir à sa volonté, par « un travail libre sur sa propre terre. » Pour chacun de ces propriétaires, en effet, les semailles et la récolte doivent être effectuées à des jours fixes, pendant lesquels tous les habitans d’un même village exécutent simultanément les mêmes travaux. Et, si l’un d’eux ne suit pas cette règle, le bétail voisin causera sur son champ de sérieux dégâts, dans les pousses survenues trop tôt ou trop tard. La fixation stricte des époques des semailles et des récoltes oblige ainsi chaque paysan à n’entreprendre que les cultures effectuées par tous ses voisins, et à ne travailler la terre qu’au moment où ceux-ci vont aux champs.

Il résulte de cet état de choses que le paysan n’a, comme choix de culture, que celui des céréales cultivées dans son village ; s’il s’en écarte, par exemple en faisant des plantes fourragères ou en semant plus tôt, ses efforts ne contribueront qu’à l’alimentation du bétail communal ! Le travail régulier de la jachère, son traitement par le binage, et toutes les mesures tendant à la conservation de l’humidité du sol (si importante, vu le climat continental de la Russie) sont irréalisables pour un individu isolé, dès que les parcelles qui lui appartiennent