Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/649

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VIII

Sous leurs sourcils froncés, les nationaux-libéraux voyaient clair ; dans cette même quinzaine, un fait capital se produisait dans le ministère prussien : Falk démissionnait. Certains choix que venait de faire Guillaume pour le synode général de l’Eglise évangélique avaient achevé de prouver qu’entre le ministre et le Roi, l’accord était désormais impossible : leurs opinions respectives sur l’orientation théologique de l’Eglise protestante étaient franchement irréconciliables. Falk, le 29 juin 1879, dans une lettre à son Roi, demandait la permission de s’en aller. Il en avait envie depuis un an, mais, à plusieurs reprises, Bismarck et Stolberg avaient arrêté son geste.

« C’est une surprise que votre demande de congé, lui dit Bismarck ; avez-vous donc l’intention de soutenir la manifestation qu’organisent contre moi les nationaux-libéraux ? » — Falk se défendit d’un si ingrat projet. « On va m’accuser, insista Bismarck, d’avoir, en face de Rome, abandonné mes positions, de vous avoir livré au Centre pour trente deniers. » Et le chancelier pria Falk de lui expliquer, dans une lettre, les motifs de son départ. « Vous aurez la lettre demain, » promit Falk. Alors, sur les lèvres bismarckiennes, une seconde exigence survint : « Je voudrais aussi que vous ne partiez que lorsque le Reichstag partira. » Soit, répondit Falk. Mais le chancelier demeurait perplexe ; la docilité même qu’il sentait chez ce bon subordonné ressuscitait en lui je ne sais quel désir de le garder encore. Il reprit : « Leonhardt bientôt va quitter la Justice, prenez donc ce portefeuille. » Falk cette fois fut indocile, il le fut sans souplesse, sans grâce ; il dit fermement à Bismarck :


Après avoir, durant tant d’années, occupé un ministère politique, je ne puis pas me laisser reléguer dans les murailles du ressort judiciaire ; je ne pourrais pas non plus, en nie laissant mettre en minorité, accepter que les principes pour lesquels j’ai lutté de toutes mes forces soient mis sens dessus dessous. Surtout, je serais souvent si isolé, qu’après peu de mois je me retrouverais au même point où je me trouve aujourd’hui.


Le lendemain 1er juillet, Bismarck recevait une longue lettre de Falk. Falk s’y plaisait à rappeler l’entente qui, dans le Culturkampf, avait régné entre Bismarck et lui, et à redire que même depuis un an ils demeuraient d’accord sur l’esprit dans