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actuellement les seuls à pouvoir rendre certains services, il faut bien se résigner, à faire, pour s’en procurer, les sacrifices nécessaires.

Ajoutons qu’ils ont des qualités propres. S’ils peuvent moins que les aéroplanes affronter des vents d’une vitesse déterminée, ils sont beaucoup moins sensibles qu’eux aux remous de l’atmosphère. Ces remous, les aéroplanes les redoutent par-dessus tout ; ils sont la cause de nombreux accidens, et, dans la pratique, ce n’est guère qu’aux heures du début et de la fin de chaque journée que les aviateurs exécutent leurs évolutions ; vers midi, ils jugent plus prudent de rester à terre ; la nuit, jusqu’ici, ils ne se sont pas risqués à voler, craignant à juste titre le danger des atterrissages sur un terrain qu’on ne voit pas. Les dirigeables, au contraire, marchent à toutes les heures de la journée, et une grande partie du voyage de l’Adjudant-Réau s’est effectué pendant la nuit. On a même fait, à ce propos, une remarque importante au point de vue de la guerre, à savoir que ce voyage nocturne est resté inaperçu, même lorsque, comme à Verdun, la garnison avait été prévenue du passage de l’aéronef.

Faut-il rappeler que le dirigeable offre à ses voyageurs une installation plus confortable, permettant de faire à son aise des observations, de prendre des croquis, de faire des photographies ? Ajouterons-nous qu’il permet l’emploi d’appareils de télégraphie sans fil à grande portée, grâce auxquels, pendant son voyage déjà cité, l’Adjudant-Réau a pu donner constamment de ses nouvelles à la Tour Eiffel ? Toutes ces considérations s’ajoutent pour démontrer la nécessité des gros dirigeables, seuls outils convenables aujourd’hui pour les reconnaissances à longs parcours.

Il n’y a donc rien à changer aux conclusions formulées à ce sujet l’année dernière et il y a deux ans. Mais il faut se rappeler que chaque jour diminue la supériorité du dirigeable sur l’aéroplane, et qu’il viendra certainement une époque où elle n’existera plus. Au concours militaire de Reims, tous les appareils classés ont pu faire un voyage aller et retour de 300 kilomètres, c’est donc la moitié du rayon d’action demandé aux croiseurs aériens ; rien ne dit que, l’année prochaine ou dans deux ans, ils n’arriveront pas à faire les 600 kilomètres exigés. Alors, on pourra se demander s’il faut encore construire et entretenir des dirigeables, qui n’auront ; peut-être plus à leur actif