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par des observateurs aériens, elle détruirait infailliblement tout ce qui se trouverait à sa portée ; il lui suffirait de s’avancer peu à peu pour étendre sa zone de destruction, et après quelques heures, quelques jours peut-être, d’une marche semblable, il ne resterait plus rien de l’armée adverse.

« Aussi, ajoutaient-ils, à quoi bon les aéronefs destinés aux reconnaissances stratégiques ? Nous n’avons nul besoin de savoir où se trouve l’ennemi, puisque nous sommes sûrs de le détruire dès qu’il sera à la portée de nos bouches à feu. » En poussant un peu ces partisans fanatiques de l’alliance de l’artillerie et de l’aviation, on les aurait sans doute amenés à dire que la cavalerie, l’infanterie même, étaient aussi inutiles que les aéronefs à grand rayon d’action. En attendant la suppression de ces armes accessoires, pour assurer à notre artillerie cette supériorité inéluctable, il fallait, sans tarder, la doter immédiatement d’une multitude d’aéroplanes monoplaces, et ne plus perdre son temps à encourager la construction d’aéronefs destinés aux longues reconnaissances.

Le caractère absolu de cette opinion suffit, à mon avis, à en démontrer la fausseté. Il n’y a pas d’instrument universel, et, si convaincu que je puisse être de l’utilité des aéronefs à la guerre, je ne crois pas que, même en les associant intimement à l’artillerie, on arrive à se procurer infailliblement la victoire. Malgré toutes les inventions faites ou à faire, il faudra toujours des stratégistes et des tacticiens pour conduire la guerre ; la science et l’industrie peuvent mettre à leur disposition des outils de plus en plus puissans, mais il sera toujours nécessaire de posséder des ouvriers de premier ordre pour s’en servir, c’est-à-dire des généraux et des états-majors sachant concevoir avec netteté des plans de campagne et en assurer l’exécution avec vigueur. Le rôle du commandement ne se bornera jamais à faire avancer indéfiniment dans la même direction une longue ligne d’artillerie qui fauche tout sur son passage.

J’ai peut-être, tout à l’heure, exagéré les idées émises dans certains milieux, ou plutôt leur expression ; toutefois, ces doctrines avaient pris suffisamment corps pour que leurs partisans n’hésitassent pas à revendiquer pour l’artillerie une aviation spéciale, mise complètement à sa disposition, et échappant à l’autorité directe des généraux commandant les corps d’armée ou les armées. Comme effectif d’aéroplanes, cette aviation