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manière celui-ci s’est terminé. Le propriétaire de l’aéroplane a déclaré que son appareil était engagé à participer à des fêtes qui devaient avoir lieu à Tunis et qu’il n’avait nullement l’intention de l’envoyer en Tripolitaine. Le gouvernement français a transmis cette information sans en garantir l’exécution, ce qui n’était pas son affaire, et le gouvernement italien s’en est contenté. Il a pensé sans doute que les erreurs les plus courtes étaient les meilleures et a relâché le Carthage ; mais, pour l’avoir arrêté, il a assumé des responsabilités matérielles dont il devra rendre compte devant le tribunal de la Haye. Les pertes subies par nos nationaux sont considérables ; elles donnent lieu à des indemnités dont un arbitre impartial fixera le chiffre. Nous raisonnons, bien entendu, dans l’hypothèse où les autorités italiennes auraient dépassé leur droit ; mais cette hypothèse est à nos yeux une certitude.

L’incident du Manouba est malheureusement plus grave : il avait bien commencé, il a mal continué ; heureusement, il s’est bien terminé. Le 5 janvier dernier, l’ambassade de Turquie à Paris a fait savoir au ministre des Affaires étrangères, — c’était alors M. de Selves, — que vingt-neuf médecins et autres personnes composant une mission sanitaire du Croissant-Rouge devaient se rendre dans la Tripolitaine en passant par la Tunisie : il en fournissait la liste nominale. Le 17 janvier, le Manouba quittait Marseille ayant à son bord les vingt-neuf Ottomans. Le même jour, l’ambassadeur d’Italie à Paris se présenta au quai d’Orsay et affirma au ministre des Affaires étrangères, — c’était cette fois M. Poincaré, — que les prétendus membres du Croissant-Rouge n’étaient autres que des officiers déguisés : il invoquait en conséquence la convention de la Haye du 18 octobre 1907 pour demander au gouvernement de la République de ne pas leur permettre de passer de Tunisie en Tripolitaine, soit en groupe, soit isolément. Sur ce dernier point, des réserves devaient être faites et M. Poincaré n’a pas manqué de les faire, mais le passage en groupe étant incontestablement contraire au droit des gens, il a déclaré que si la qualité d’officiers était, à leur arrivée en Tunisie, reconnue aux vingt-neuf Ottomans, il ne les laisserait pas passer la frontière dans de pareilles conditions. Cette déclaration aurait dû donner pleine satisfaction au gouvernement italien : le gouvernement français s’étant engagé à contrôler lui-même le véritable caractère des passagers ottomans, il ne pouvait y avoir ni saisie en mer, ni même visite du navire. La visite a eu lieu cependant et, bien que les passagers ottomans eussent des papiers parfaitement en règle qui