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Il fut convenu que la sortie du ministère s’exécuterait à quelques jours de là, un mois avant le départ de la Cour pour le château de Fontainebleau, et l’on ne songea plus qu’à régler les compensations accordées au démissionnaire. A cet égard, les choses furent faites d’une façon généreuse. Saint-Germain devait conserver, sa vie durant, son logement à l’Arsenal ; il recevrait une pension de 40 000 livres, plus 150 000 livres à titre d’ « indemnité, » sans compter la promesse d’un « grand gouvernement. » Ces points fixés, sans plainte et sans murmure, le ministre céda la place au prince de Montbarey, qui, le 23 septembre 1777, s’installa dans son héritage comme en pays conquis. « Tout naturellement, écrit ce dernier[1]avec désinvolture, je me trouvai secrétaire d’Etat au département de la Guerre, et n’eus qu’à transporter, de l’appartement que j’occupais, mes effets et mes papiers au pavillon du ministre, dans la grande cour. »

Grâce à cette transmission rapide, la chute du grand réformateur provoqua peu de sensation, passa même presque inaperçue. « M. de Saint-Germain nous a quittés, se borne à dire Métra le nouvelliste. Il n’emporte pas nos regrets, mais un traitement avantageux. » Caraccioli, l’ambassadeur de Naples, devant lequel on déplorait tant de changemens rapides, tant d’essais infructueux pour améliorer le régime, tirait la morale de l’histoire en ces mots : « Il ne faut pas s’en étonner ; ce sont les dents de lait du Roi. »


Quelques semaines avant sa mort[2], qui suivit de près sa retraite, après s’être livré à une espèce d’examen de conscience, Saint-Germain concluait avec simplicité : « J’ai eu des torts ; je n’ai pas eu tous ceux que l’on m’impute ; mais Dieu permettra que tout se découvre. » Cette confiance n’a pas été vaine. Sans doute, l’histoire reproche à Saint-Germain des erreurs, des faiblesses, dont quelques-unes vinrent de son caractère, d’autres

  1. Mémoires, passim.
  2. Une gazette de l’époque rapporte qu’après sa retraite, le comte de Saint-Germain acheta à Montfermeil une maison de campagne, où il s’occupa sur-le-champ de tout bouleverser dans le parc, en vue de le refaire d’après un nouveau plan. Il commença par abattre les arbres, par détruire les parterres, par « mettre tout sens dessus dessous, » et il fut surpris par la mort au milieu de cette destruction. Dans ce trait, dont rien au surplus ne prouve l’authenticité, les détracteurs de Saint-Germain prétendirent voir l’image de son passage au ministère. — Il mourut le 15 janvier 1778.