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d’Aurelle sur le terrain choisi par lui. « D’ailleurs, si Paris venait à se rendre à ce moment, ajoutait-il, que pourrait l’armée de la Loire contre les forces allemandes combinées ? L’expectative prolongée paraissait donc fort dangereuse et n’était pas une solution. Les événemens du reste se chargèrent d’y mettre fin. »

Le 29 novembre, le général Trochu ayant averti la Délégation que, le 30, l’armée de Paris commandée par Ducrot aborderait les positions fortifiées de l’ennemi et pousserait vers la Loire s’il pouvait les enlever, l’action s’imposa. D’accord avec d’Aurelle, Borel et Chanzy, on décida la marche en avant. Le général d’Aurelle, par un superbe ordre du jour, enflamma ses troupes et leur inspira résolution et confiance. Pour l’armée de Paris, la première journée, celle de Champigny du 30 novembre, fut favorable à nos soldats. Mais, le 2 décembre en province, débordé par les troupes supérieures de Frédéric-Charles, d’Aurelle avec le 15e corps fut rejeté sur Orléans et ne vit plus qu’un parti à prendre, la retraite sur Beaugency, Blois, Gien et la Sologne. Il se refusait à une nouvelle opération sur Orléans, car, pour lui, c’eût été la destruction inutile de l’armée. Il se plaignait de l’impatience de la Délégation, qui ne lui avait pas laissé le temps de bien concentrer et de réorganiser ses troupes. Quoi qu’il en soit, il pouvait être fier de la résistance qu’il avait opposée avec des soldats improvisés à des adversaires aguerris et munis de tout le nécessaire. « Telle fut la fin d’une entreprise qui nous avait donné de si grandes espérances, dit M. de Freycinet. Le général Ducrot ne fut pas plus favorisé. Après son brillant début du 30 novembre et l’engagement meurtrier du 2 décembre, il plia devant le nombre et repassa la Marne. Ces nouvelles, arrivées coup sur coup, jetèrent le pays dans la consternation. On en cherchait les causes dans les hypothèses les plus invraisemblables. »

En réalité, la défaite de l’armée de la Loire tenait à la précipitation avec laquelle elle avait dû se mettre en marche à la suite des dépêches reçues de Paris le 30 novembre ; à la fausse manœuvre qui avait porté Chanzy beaucoup trop au Nord-Ouest en l’éloignant du gros de l’armée, puis à l’immobilité des 18e et 20e corps et à l’isolement au centre du général d’Aurelle que Frédéric-Charles n’aurait osé attaquer s’il eût été renforcé par les autres corps. « Si le général d’Aurelle, reconnaît lui-même M. de Freycinet, eût eu doux ou trois jours devant lui au