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C’est à peine si les Arabes d’Algérie et de Tunisie commencent, — sous l’attrait de nos exemples et beaucoup plus encore sous la pression de ceux de nos compatriotes qui les emploient et qui les paient, — à se servir d’une autre charrue que la charrue de bois. Et celle-ci, n’est-elle pas encore en usage dans la Sicile et dans tout le Sud de l’Italie continentale ? Il y a cependant là des gens qui savent se tirer d’affaire mieux que les autres et qui constituent, tant bien que mal, l’élite de leurs concitoyens. Mais, la plupart du temps, ceux qui aspirent à quelque chose de mieux voient leur principale ressource dans l’émigration.

Quand des populations sortent enfin de ces erremens, c’est presque toujours sous l’action d’un homme qui, élevé dans d’autres principes, guidé par d’autres méthodes, vient leur apporter des connaissances puisées à des sources plus ‘hautes. Est-ce que les grands progrès de l’agriculture ne sont pas dus presque tous à la chimie, à la physiologie végétale, à la mécanique, à la zootechnie, comme les progrès de la navigation sont dus à l’astronomie et à la physique, comme les progrès les plus surprenans de la médecine et de la chirurgie ont été dus à un homme qui n’était ni chirurgien, ni médecin, mais qui fut conduit à la découverte des microbes par des recherches où ne semblaient d’abord intéressées que les controverses philosophiques pour ou contre la génération spontanée ? Ne confondons pas les élites strictement professionnelles avec ce qu’il est permis d’appeler l’élite sociale. Celle-ci sert incontestablement à élever de plus en plus celles-là ; mais elle ne les élève que parce qu’elle a commencé par les dépasser ; Et en quoi les dépasse-t-elle ? En ceci, qu’elle est composée d’hommes ayant su sortir utilement d’un cercle restreint d’expériences et de vérités pour retrouver la série de celles qui les éclairent. Cette élite-là ne semble attachée à aucun intérêt particulier : elle est à même de les servir tous, précisément parce qu’elle cherche, trouve, explique des idées très générales et quelle en fait sortir des conséquences imprévues d’elle-même, soit pour un art, soit pour un autre, soit pour plusieurs à la fois.

Certains ouvriers d’aujourd’hui, à grandes prétentions et à vues courtes, ont été jusqu’à dire : « C’est nous qui faisons les locomotives, c’est donc nous qui devrions en retirer le produit intégral. » Braves gens ! C’est vous qui les fabriquez, mais sur des calculs, sur des combinaisons, sur des pians qui ont coûté