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— langue littéraire et langue scientifique, — à l’aide de laquelle elle pénétrera tout d’abord dans les idées précisées et classées par les générations mères de la sienne. C’est là que le jeune français notamment, s’il est convenablement surveillé, exercé, s’assimilera les qualités héréditaires de logique, de clarté, d’élégance qui ont toujours caractérisé les productions de notre génie. D’autres nations ont pu se contenter de l’à peu près, en tirer même d’importans profits en cultivant les contrefaçons, le simili, la fabrication en grand d’objets plus ou moins grossiers et par conséquent peu coûteux. Ils portent les mêmes habitudes dans le monde de l’idée où les contradictions les effrayent si peu qu’ils en font presque l’essence de la vérité. Certains aiment les combinaisons qui les dispensent d’être conséquens avec eux-mêmes et fidèles jusqu’au bout à leurs engagemens comme à leurs idées. D’autres se plaisent dans des obscurités qu’ils donnent comme autant de preuves de profondeur. Pas plus par sa langue que par l’ensemble de ses habitudes, le Français qui étudie et qui raisonne n’est l’ami des hérésies : il ne croit ni ne doute jamais à moitié. Il a toujours de la peine à s’accommoder d’un système, du jour où il croit voir qu’il est obligé de le mal juger. Ce sont toutes ces allures combinées qui ont toujours fait de la France le pays des produits nouveaux et des produits de luxe, en quelque ordre que ce soit. Bien imprudente serait-elle de déserter cette mission et d’en assumer une toute différente, pour laquelle apparemment elle est beaucoup moins bien armée, puisque c’est toujours dans l’autre qu’elle a obtenu ses meilleurs succès. Elle aurait d’autant plus tort au moment présent, que, d’un côté, ni ses ressources en matières premières, en agens de transformation (comme la houille) et en accroissement de population, ne lui permettent la fabrication à bon marché par très grandes quantités, et que, d’autre part, la clientèle riche, à laquelle on peut faire aimer les produits de luxe, augmente partout dans l’univers, en même temps que se perfectionnent les moyens d’aller la trouver.

En tout cela, l’élite de notre nation doit être évidemment soucieuse d’étendre, d’assouplir, de corriger tous ses procédés de fabrication, de transport et de vente, elle ne doit rien négliger de ce qui peut lui assurer une situation économique plus forte. Mais n’est-ce pas le moment de rappeler cette parole du grand évêque d’Angleterre, que les nations ne sont pas, après