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appréciations superficielles et non justifiées ou même quelquefois nulles… : ils ne prouvent pas qu’ils comprennent ce qu’ils sentent, et l’accent personnel est absent. Si ces années de travail que demande l’obtention du titre d’agrégé paraissaient n’aboutir qu’à un énervement de l’esprit, on voit quel argument serait fourni aux ennemis de l’enseignement classique. »

Laissons les jugemens systématiques et passionnés des ennemis. Consultons plutôt ceux des amis indépendans, ils n’étaient pas sans demander à l’Université un certain nombre de mea culpa.

Le vers latin était un exercice dont il était facile de plaisanter. En me rappelant mes souvenirs d’écolier, je suis convaincu qu’il récréait assez utilement les bons élevés et même les élèves passables, qu’il plaisait à leur amour juvénile des combinaisons, des tours d’adresse, des jeux de patience ; en même temps, il leur apprenait à exprimer le plus possible en peu de mots, à peser la valeur des locutions pour trouver le vrai synonyme et la qualification la mieux appropriée. Qu’ils y allassent trop souvent de leurs faux poids, rien de plus certain ; mais n’oublions pas que tout devoir est fait pour être corrigé ; la correction d’un bon professeur faisant sentir avec goût la vanité des à peu près aurait suffi, à elle seule, à justifier le travail qui lui servait d’occasion. Je me rappelle très bien certains condisciples qui n’avaient commencé à aimer le latin et à le pratiquer que du jour où le vers latin les avait distraits de l’esclavage des thèmes et leur avait appris à mieux goûter l’art des poètes. En retour, je crois qu’à l’âge où tout élève s’intéresse aux choses mêmes et se préoccupe, avec un sérieux dont il ne faut pas rire, déjuger tous ceux qui lui parlent et tout ce dont on lui parle, ce petit jeu perdait pour lui ses attraits : j’oserai dire que c’était plutôt un bon signe. Mais, en tout cas, remplacer le vers latin par une étude minutieuse de la métrique a été l’un des symptômes les plus déconcertans de la désorganisation des vraies études classiques par l’invasion d’une érudition dont le moins qu’on puisse dire est que là elle était absolument prématurée et déplacée. « Je tiens entre les mains, disait Georges Picot à la Commission d’enquête, un livre classique dans lequel dix-sept sortes de vers sont scandés, où l’attention de l’élève est appelée avec détails sur les mètres les plus rares, où l’hexamètre de Virgile tient quelques lignes à peine, tandis