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mais plus on donnait à celui-ci d’ambitions en lui disant que l’avenir était à lui plus on lésinait sur les ressources qu’on mettait à sa disposition. En 1896, un journal universitaire écrivait, sans que nul pût le démentir : « On compte dans une classe moderne (de Paris ! ) jusqu’à douze professeurs, mis à contribution pour moins de trente élèves de douze à treize ans. » — « C’était un grand luxe ! » direz-vous. Bien mal compris en tout cas ; car ces douze professeurs étaient des maîtres de l’enseignement classique déjà fort chargés et auxquels on demandait de venir tirer chacun à leur tour une voiture à laquelle on n’avait donné aucun attelage approprié. C’est pourquoi l’écrivain compétent pouvait ajouter : « Chaque classe devient ainsi un réceptacle de bouts de services complémentaires pris sur les professeurs n’ayant pas chez eux leur maximum. » En ce qui touche au progrès si désiré des langues vivantes, bornons-nous à rappeler ce court dialogue entendu publiquement en un Congrès dont les comptes rendus furent imprimés. Un membre venait de dire que divers enfans avaient été envoyés par leurs familles en Angleterre ou en Allemagne pendant le temps des vacances, qu’ils en étaient revenus avec une certaine habitude du langage usuel du pays : mais dans le cours de l’année, malgré les classes du lycée, ils avaient perdu le peu qu’ils avaient rapporté de leur séjour. — « C’est la pure vérité, interrompit le président de la Chambre de commerce de Lyon, c’est exactement ce qui est arrivé à mes fils. »

Bref, l’enseignement moderne n’avait encore servi qu’à désorganiser l’enseignement classique quand les pouvoirs publics ouvrirent la grande enquête de 1899.


Les dépositions, notes et mémoires de cette enquête remplissent cinq gros volumes in-4o. Membres des trois ordres d’enseignement, professeurs, proviseurs, recteurs, maîtres répétiteurs, hommes de lettres, hommes de science, économistes, membres des Chambres de commerce, en un mot tout ce qui pouvait avoir une opinion raisonnée, comparut ou écrivit, le tout sous la présidence active et avisée de M. A. Ribot. A part de rares exceptions qu’on ne peut pas évaluera plus de 6 ou 7 sur 100, toutes ces réponses, par des chemins plus ou moins différens, convergèrent vers les opinions suivantes :