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des différens types. C’est ce qu’on a fait. Tel professeur va enseigner le latin à ceux qui en font peu comme à ceux qui en font beaucoup, aux élèves de A, aux élèves de C du second cycle ; un de ses collègues enseignera de même le français, ici et là, à des élèves entrés dans des systèmes d’études différens, parvenus à des étapes différentes. Chaque jour de la semaine, l’un et l’autre voient défiler devant eux des variétés d’auditeurs qu’il a tout juste le temps de connaître à la fin de l’année, si toutefois ils ont pu eux-mêmes se sentir encouragés à se montrer tels qu’ils sont.

Dans ces conditions, il n’a point le loisir de proportionner son enseignement à la force de sa classe ; il n’a pas de classe à lui. Allant des uns aux autres, il n’a point le contact suivi, donc point le « tact » de leurs dispositions et de leurs aptitudes. Il prend machinalement une certaine moyenne que lui conseille ou son goût personnel ou son désir de simplifier ses efforts. Il est au-dessus des uns, au-dessous des autres ; à la rigueur, il peut s’assurer que tels ou tels élèves ont appris ; il n’a pas le loisir de s’assurer qu’ils ont compris, ce qui serait cependant l’essentiel.

La conception maîtresse de ce système compliqué n’a été autre que le désir d’ « utiliser » tous les maîtres d’un même lycée en leur imposant à tous des bouts de classes destinés à boucher des trous partout. Plus ces bouts sont courts et nombreux, plus il est facile de les caser, de même que plus des morceaux de charbon sont menus, plus il est aisé de remplir les interstices du sac où on les remue pour les tasser. On a poussé si loin ces émiettemens que, dans certains lycées de Paris, il s’est trouvé des classes où deux professeurs différens enseignaient le français, l’un en corrigeant les devoirs, l’autre en expliquant les auteurs ; ailleurs, l’enseignement philosophique s’est vu également coupé en deux, un maître enseignant la psychologie et la morale, un autre la logique et la métaphysique. Un agrégé m’explique, par les tableaux du service où il est inséré, que ses élèves peuvent recevoir en un même jour six enseignemens différens, en tout cas, jamais moins de cinq : à 8 heures du matin, histoire ; à 9 heures, mathématiques ; à 10 heures, latin ; à 2 heures, français ; à 3 heures, langues vivantes ; le lundi, ils auront en plus une heure d’histoire naturelle. Quand celui qui me renseigne prend les enfans à 2 heures pour leur faire la classe de français, ils n’apportent ni