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Scribe on était colonel, et dans celui d’Augier bourgeois parvenu. Nous avons eu tout un lot d’explorateurs irrésistibles et de contremaîtres géniaux. L’heure théâtrale est aux politiciens. Rien de plus naturel. Ils sont nos maîtres. La presse leur fait une publicité qui dépasse celle même des artistes du chant et de la danse. La chronique scandaleuse, qui est le fond de nos conversations, est abondamment défrayée par leurs faits et gestes. Le théâtre les guette. C’est du reste leur métier d’être en représentation et de jouer un rôle. Et, des tréteaux de la politique à ceux de la scène, la transition se fait le plus simplement du monde.

Depuis la Vie publique de M. Émile Fabre, jusqu’aux Favorites de M. Capus, nous avons eu tout un cycle de comédies nous montrant le politicien dans l’exercice de ses fonctions. Une autre catégorie de pièces nous le présente dans son intérieur, dans sa vie de famille, dans son domestique : ce sont, comme on aurait dit vers 1840, « Nos honorables chez eux. » Le modèle du genre a été donné, la saison dernière, par M. Paul Bourget dans son Tribun. Ce beau drame est trop récent, et surtout il était de trop fière allure, pour que le souvenir ne s’en impose pas au spectateur. En écoutant l’Assaut, on est d’autant plus frappé de certaines analogies que les deux pièces ont pour le premier rôle même interprète. C’est M. Guitry qui est dans le Tribun le ministre d’aujourd’hui, et dans l’Assaut le ministre de demain. Or, il n’y a pas deux façons d’imaginer le passage aux affaires de M. Guitry. Son ministère ne peut être, lui aussi, qu’un grand ministère ; étranger aux compromissions misérables, aux marchandages, et aux luttes mesquines des partis, il réalise la plus chimérique des utopies : l’union de tous les braves gens. C’est le gouvernement fort et pourtant libéral, autoritaire sans être oppressif, qu’au surplus nous connaissons pour l’avoir rencontré dans toutes les déclarations ministérielles. Une politique intègre, énergique et surtout généreuse, est la seule politique qu’on puisse prêter à M. Guitry. C’est aussi bien la politique de Mérital, le protagoniste de l’Assaut. À vrai dire, il n’est pas encore au pouvoir. Il est seulement le chef d’un parti actif et grandissant auquel appartient l’avenir. Ce parti, qu’il a inventé, il le baptise devant nous : ce sera le « parti social. » Ce vieux vocable, qui déjà faisait sourire sous la Monarchie de Juillet, lui plaît parce qu’il vient de Lamartine. La politique telle que la conçoit cet excellent homme, sous la troisième République, confine à la poésie. Je vous dis qu’aux prochaines élections nous voterons tous pour Guitry.

Encore une mode du théâtre actuel : le goût des jeunes filles pour