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fonctionnaires gouvernementaux, qui sont le plus souvent ses adversaires, ses persécuteurs. Elle perdrait toute liberté, toute faculté d’agir par elle-même et par son autorité propre ; si elle se soumettait à cette loi, on devrait presque désespérer, pour l’avenir, d’une situation meilleure.


Les évêques déclaraient que, si l’Église acceptait cette fin de bataille, leurs populations, si vaillantes depuis sept ans, seraient troublées et indignées, et qu’elles étaient prêtes, au contraire, a continuer de combattre. Ils affirmaient que la Prusse ne voulait pas, en réalité, rendre à l’Église ses droits, qu’elle ne voulait pas, en réalité, une paix véritable avec le Saint-Siège, mais qu’avant peu, elle devrait céder aux réclamations des sujets et qu’avant peu elle devrait, en face du socialisme, recourir à l’Église. Aussi suppliaient-ils le Pape de s’abstenir de toutes concessions, surtout au sujet de la collation des cures.

Après les évêques, c’était le Centre, à son tour, qui se tournait vers Rome. Un de ses membres, le prêtre Majunke, s’en fut voir le Pape, trois heures durant : le cardinal Franzelin, le célèbre théologien jésuite, qui connaissait par cœur les lois de Mai, assistait à l’entretien. Cette audience papale avait l’aspect d’un conseil de Cabinet. Bismarck avait voulu diviser le Pape et le Centre : le Pape et le Centre conversaient ensemble ; les instructions romaines, ainsi mises en délibéré, étaient, sur l’heure, rédigées par Franzelin, et emportées à Berlin par Majunke. Elles allaient être, non seulement pour le prochain débat, mais pour plusieurs années, la charte du Centre. Un résumé risquerait de les trahir ; il les faut traduire :


A. Dans les questions purement politiques, le Centre est tout à fait libre et indépendant du Saint-Siège.

B. Au point de vue de la politique religieuse le Centre doit constamment réclamer que les lois hostiles à l’Église soient, ou abrogées, ou modifiées d’accord avec le Saint-Siège ; il doit expliquer que les catholiques du pays ne se reposeront pas avant d’avoir atteint cette situation juridique. Il s’agit des droits de l’Église et des principes de la liberté de conscience pour les catholiques de tous pays.

C. Au sujet du projet attendu, plusieurs remarques s’imposent :

1o  Si le projet est ainsi conçu qu’il ne puisse avoir d’autre sens, que d’assurer la puissance discrétionnaire du gouvernement, pour qu’à sa propre guise il applique ou n’applique pas les lois de Mai, il n’est pas permis d’adhérer à ce projet sans amendement.

2o  Mais si le projet était conçu de telle façon qu’on pût l’interpréter, — et le Centre devrait expressément donner cette interprétation, — comme accordant au gouvernement, purement et simplement, cette prérogative