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sera peut-être utile pour élever Pierre et Simone, entre l’âge dit « ingrat » et la fin de l’enfance.


J’écris donc en ce moment les lignes dernières du dernier volume des « Lettres à Françoise… » Et ce n’est pas sans mélancolie que je les écris. Durant douze années de ma vie, Françoise jeune fille, Françoise mariée, Françoise maman, m’aura demandé mes conseils : je les lui aurai donnés en conscience… Et c’est fini… Finir un livre, c’est mourir un peu. Finir le dernier volume d’une série composée au cours de douze années de sa vie, — c’est presque rédiger un testament…

Allons, pas de neurasthénie ! Les douze années sont vécues, c’est vrai, mais l’œuvre est faite : et il m’est venu trop de témoignages, de par le vaste monde, qu’elle a consolé, relevé, encouragé des âmes à l’action pour que je ne sois pas humblement content de l’avoir écrite, même pleine de défauts, comme elle est. Si les douze ans étaient encore à vivre, l’œuvre serait encore à faire. Savais-je, en la commençant, il y a douze ans, si la vie me laisserait le loisir de l’achever ?

Adieu, Françoise… Je vais signer la dernière lettre que vous m’ayez demandée… Toutes celles que je vous ai écrites m’apparaissent soudain comme un chemin sinueux derrière moi, sur lequel je vois échelonnés des visages différens de Françoise,… seize ans…, vingt ans…, vingt-cinq ans… La Françoise actuelle aura trente ans tout à l’heure.

Elle n’a plus besoin de conseils….

Adieu, Françoise.


MARCEL PREVOST.