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recommencé à s’étendre même dans le département de Constantine, où les ventes et les achats de terres par les colons s’étaient équilibrés pendant quelque temps ; quand on mesure cette extension générale des affaires algériennes, on ne peut manquer d’en conclure que bon nombre de Français en ont profité, des deux côtés de la Méditerranée.

Les Israélites et les étrangers ont évidemment participé à ces divers bénéfices, et notamment aux acquisitions immobilières ; des premiers la part est connue, et d’ailleurs considérable, près du sixième des ventes consenties par les indigènes à des non-musulmans, alors que les Juifs sont à peu près dix fois moins nombreux que les gens d’Europe ; quant aux Espagnols, aux Italiens, aux Maltais, sans posséder de renseignemens précis à leur sujet, on peut affirmer hardiment qu’ils ont été largement rémunérés du concours d’ailleurs très précieux qu’ils ont apporté à notre œuvre colonisatrice.

Dans l’ensemble, ces divers élémens ont donc tiré avantage de notre effort national : en dirons-nous autant de l’indigène ? Vis-à-vis de lui la colonisation apparaît tout d’abord sous les espèces d’un prélèvement de quelque deux millions d’hectares, environ la cinquième partie des espaces que l’on peut cultiver régulièrement dans le Tell et sur les Hauts Plateaux. Où est pour lui la contre-partie et que pèse-t-elle ?

Nombreuses sont les études dans lesquelles on s’est efforcé d’évaluer le profit que la main-d’œuvre indigène tire des entreprises de nos colons. On peut discuter ces comptes, mais ce qui est incontestable, c’est qu’une culture quelque peu perfectionnée exige plus de bras que la plus primitive et que, par conséquent, si l’on met à part la toute petite propriété qui n’est qu’une forme temporaire de l’exploitation européenne, chaque hectare colonisé apporte une possibilité nouvelle de travail et de vie pour l’enfant du pays. S’il s’agit de céréales, un hectare cultivé à l’européenne représente une centaine de francs de main-d’œuvre, tandis qu’année moyenne il en aurait rapporté net 80 à un Arabe labourant et moissonnant lui-même : son champ avec l’aide de sa famille. Encore faut-il remarquer que ce salaire va aux plus nécessiteux et aux plus méritans, tandis qu’une très forte partie des revenus de la terre indigène profite à des propriétaires paresseux et ignorans.

En même temps, l’exemple du colon est la meilleure des