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sera dû en grande partie aux exhortations de M. de Peyre, le vénérable apôtre des sociétés de prévoyance à qui la mutualité indigène est redevable de tant de bienfaits.

La Société de prévoyance doit rester avant tout dans son rôle d’assurance contre la famine, et ce rôle a de quoi absorber pendant bien longtemps ses ressources croissantes. Le déficit d’une récolte en Algérie peut encore atteindre facilement la valeur de 100 millions, malgré la diminution de l’écart des rendemens due aux améliorations culturales, et nos mutualités disposent à peine du cinquième de cette somme ; en continuant à s’enrichir à peu près d’un million et demi par an, elles suffiraient tout juste à leur tâche vers la fin du siècle. Tout en renforçant autant que possible ces instrumens rudimentaires et indispensables du crédit, on ne saurait évidemment compter qu’ils suffiront à la transformation de l’économie agricole, et à la fécondation d’un sol à peine effleuré pendant des siècles par l’effort humain. On pourra bien, çà et là, pourvoir de charrues françaises un certain nombre de notables indigènes, à l’aide des prêts de nos sociétés, mais il ne faudrait pas que ce fût au détriment des petits adhérens, dont les demandes, nous l’avons vu, sont trop souvent écartées faute de fonds.


III

Cette aide que la tirelire administrative ne peut complètement lui fournir, et sans laquelle le petit propriétaire indigène ne saurait longtemps subsister, la trouvera-t-il auprès des capitalistes ? Hélas ! il n’a que le choix entre la méfiance des uns et l’avidité des autres : l’Européen ne se risque pas volontiers avec eux à des opérations aussi dangereuses pour sa considération que pour son argent ; le Juif, lui-même, malgré sa merveilleuse accommodation aux tractations avec le musulman qui depuis des siècles l’outrage, le maudit, le supplie, le remercie, lui donne sa parole, la reprend, le paie, le vole et l’enrichit, le Juif est gêné par nos lois contre l’usure, tandis que l’Arabe, le Kabyle, le Mozabite surtout, trouvent de précieuses ressources dans le droit spécial qui les régit, pour tirer des moutures inépuisables du prêt qu’il a consenti à un coreligionnaire.

La jurisprudence coranique montre d’une façon frappante