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du crédit rural. Même là où la finance est le plus hardie, comme en Allemagne, ce n’est pas d’elle qu’est venu le salut pour la petite et moyenne agriculture ; c’est de l’union des intérêts, de même qu’en Italie, sous la forme de la solidarité illimitée des emprunteurs associés. Dans notre pays individualiste et timoré en matière d’engagemens pécuniaires, cette méthode, assurément la plus féconde de toutes, n’a jamais pu aboutir, et il a fallu, après bien des hésitations, recourir à l’intervention de l’Etat.

On connaît l’organisation du crédit agricole constitué en Algérie par la loi du 8 juillet 1901, à l’imitation du système établi en France par la loi du 31 mars 1899. Au moyen des avances et des redevances fournies par la Banque de l’Algérie, comme par la Banque de France dans la Métropole, les caisses dites régionales, composées d’agriculteurs du même pays, reçoivent de la colonie des prêts gratuits qui peuvent s’élever et qui atteignent généralement le quadruple du capital versé par les sociétaires ; elles obtiennent assez facilement des banques l’ouverture de crédits supérieurs au total des fonds qu’elles leur confient en dépôt, de sorte qu’avec une somme de 1 200 000 francs fournie par les intéressés et les trois millions et demi qui lui sont confiés par la colonie, l’ensemble de ces caisses arrive à escompter pour quinze millions à leurs adhérens.

Ces chiffres montrent bien, en même temps que les avantages que les colons tirent de l’appui pécuniaire de la collectivité, l’insuffisance du régime des avances gratuites. C’est par centaines de millions qu’il faudrait pouvoir venir en aide aux gens de bonne volonté, Européens ou indigènes, pour mettre en mouvement toutes les forces endormies de la terre algérienne et surtout pour empêcher l’éviction des agriculteurs laborieux et malchanceux. Le procédé actuel, tout en présentant l’avantage d’apprivoiser le monde agricole, de faire son éducation au point de vue du crédit, a le vice de l’accoutumer à des taux d’emprunt artificiellement abaissés. Bien qu’une récente convention avec la Banque de l’Algérie ait augmenté le taux de la redevance annuelle que cet établissement doit payer à la colonie, le jour est proche où sera tarie la source des faveurs que la colonie répand par l’intermédiaire des caisses régionales. Sans doute le remboursement des fonds avances est formellement prévu, à terme fixe, mais combien problématique est cette rentrée ! Elle