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son étrange destinée. Le premier Jurien de la Gravière (oncle de celui que nous avons connu), qui visita la Plata et y vit Liniers vers 1804, consigne en ses Souvenirs d’un Amiral l’impression profonde que lui laissèrent la personne et la conversation de l’officier expatrié.


II

Même avant le triomphe définitif de Trafalgar (21 octobre 1805) qui lui assura l’empire des mers, l’Angleterre était résolue à reprendre à la République Batave la colonie du Cap de Bonne-Espérance, que le traité d’Amiens avait rendue à celle-ci. Dès juillet 1805, le ministre Castlereagh organisait à Cork une expédition composée de 6 000 hommes de toutes armes, qui s’embarqua sur l’escadre de sir Home Popham à destination du Cap. Le commandement en était confié au major général sir David Baird, avec le brigadier sir William Carr Beresford, — le futur adversaire de Soult en Espagne, — pour commandant en second. Les instructions de l’Amirauté portaient que la possession du Cap une fois assurée, l’excédent des forces d’occupation se répartirait entre l’Inde et Sainte-Hélène ; aucune mention n’était faite des colonies espagnoles. Tout se passa comme on l’avait prévu. Dans les premiers jours de janvier 1806, la division anglaise effectua son débarquement à Lospard Bay ; le 18, après une courte défense pour l’honneur, le général hollandais Jansens signait la capitulation qui convertissait le Cap en colonie britannique.

Ce fut sur les suggestions d’un certain capitaine Wayne, patron d’un négrier mouillé à Table Bay, et qui connaissait vaguement la Plata, que le projet d’envahir, sans ordre supérieur, ces riches provinces sud-américaines, germa dans le cerveau fertile de l’amiral anglais. Baird finit par se prêter à l’étrange équipée. Il confia au général Beresford le 71e régiment de highlanders écossais, avec un détachement d’artillerie et une centaine de dragons. La petite troupe, qui en passant par Sainte-Hélène devait se renforcer de quelque 300 hommes et de quelque armement, se rembarqua au mois d’avril sur les navires qui l’avaient amenée, et qui la conduisirent en deux mois sur la côte sud-américaine. Contre l’avis sensé de Beresford, qui préférait commencer par Montevideo, l’attaque immédiate à