Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déchue du vice-roi pour en mesurer la portée : c’était la l’évolution et, à brève échéance, la tentative d’indépendance, plus ou moins dissimulée, des provinces de la Plata. D’ailleurs, les nouvelles du pronunciamiento se complétèrent quelques jours après.

Le 25 mai 1810 est la date fondamentale de l’histoire argentine ; et nous n’avons pas à rappeler avec quelle splendeur, quelle explosion de fierté légitime le jeune peuple, exubérant de force et de richesse, célébrait hier le centenaire d’un événement qui lui donnait désormais place dans le concert des grandes nations. Ce jour mémorable vit crouler le régime colonial.

Quand la décadence de l’Espagne en fut arrivée à ce point que l’ancienne tutrice d’un continent tombait elle-même en tutelle, et que ses vice-rois ne savaient plus au nom de qui rédiger leurs décrets, les colonies s’indignèrent à l’idée de subir un maître d’aventure. Toutes les provinces du Nouveau Monde, à intervalles inégaux et avec des fortunes diverses, secouèrent le joug : aucune avec plus de résolution et de succès mérité que celle qui s’était fait la main en battant à deux reprises les troupes britanniques. A Buenos-Ayres, la révolution du 25 mai consistait essentiellement dans la réunion d’une assemblée de notables, convoquée à l’Hôtel de Ville, et qui, sans tumulte ni violence, décida, après délibération et à la majorité, la déposition immédiate du vice-roi et son remplacement par une Junte exécutive de sept membres, nommés par acclamation : un Comité de salut public. Tout cela s’effectua sans résistance aucune, du moins à Buenos-Ayres. Cisneros se soumit ; l’Audience et le Cabildo s’effacèrent et les Espagnols ne songèrent d’abord qu’à se faire oublier.

Il n’en devait pas être de même dans certaines provinces, et tout d’abord à Cordoba, où le gouverneur Concha et les principaux fonctionnaires étaient Espagnols, partant opposés à la révolution. La Junte prévoyait si bien la résistance que, dès le premier jour, elle préparait une expédition armée à l’intérieur à l’effet d’y garantir l’ordre... révolutionnaire. Les appréhensions de Mariano Moreno, secrétaire de la Junte, et qui en fut l’esprit lucide et l’âme impitoyable, n’étaient que trop fondées. A la première nouvelle de l’attentat contre le vice-roi, Concha, l’évêque Orellana, le colonel Attende et quelques autres notables avaient décidé, dans une première réunion, de s’opposer