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par la force au triomphe de la sédition. Ils comptaient sur le concours de Liniers, dont l’expérience militaire et surtout la popularité semblaient un gage de succès. Mais l’ancien vice-roi, retiré à Alta Gracia, refusait d’en sortir, soit qu’après tant d’agitations il se reconnût quelque droit au repos, soit qu’il cédât aux supplications de sa famille et de ses amis de la Junte, qui lui demandaient simplement de ne pas prendre parti. Toutefois, quelques semaines après, Liniers changea d’avis : les mesures violentes que la Junte crut devoir prendre contre les intrigues de Cisneros et de l’Audience, qu’elle déporta à Cadix, parurent lui créer des devoirs nouveaux. Il se crut obligé à revendiquer les droits de la souveraineté foulée aux pieds. Vers la fin de juin, il se rendit à Cordoba pour prendre la direction de la résistance qu’il n’abandonna plus. Le sort en était jeté. Son activité sembla faire merveille ; tandis qu’il correspondait avec tous les chefs espagnols, de Montevideo à Lima, qui promettaient la prompte coopération de troupes auxiliaires, Coucha et Allende armaient et exerçaient les milices de Cordoba dont les effectifs dépassaient 1 000 cavaliers et autant de fantassins ; on s’était procuré une quinzaine de canons ; enfin, on aurait encore deux bataillons partis, disait-on, de Mendoza et San Luis.

Ainsi s’écoula la moitié de juillet ; on attendait, en toute confiance, l’arrivée de l’expédition révolutionnaire, qui s’avançait péniblement, pour la détruire aux portes de la ville. Ce fut alors que Moreno fit signer par la Junte et communiquer aux autorités de tout le pays le décret qui leur ordonnait de se saisir des chefs de la contre-révolution, qu’il énumérait, — Liniers, Coucha, Allende, l’évêque Orellana, etc., — et de les amener sans retard à Buenos-Ayres. En même temps qu’il faisait activer la marche des « patriotes, » il employait ses partisans de Cordoba quelques-uns comme les Funes, très influens à semer la défiance dans les rangs des royalistes et à stimuler la désertion. L’effet de ces manœuvres qui, en somme, étaient de bonne guerre, ne tarda guère à se faire sentir. A mesure que les « patriotes » approchaient, les compagnies de milices fondaient comme la neige au soleil. L’opinion des habitans était si peu solide que l’avant-garde de Buenos-Ayres à peine signalée, le Cabildo, hier encore royaliste, envoya à son chef un message d’adhésion et de bienvenue. Ce jour-là, Liniers et les autres chefs royalistes comprirent l’impossibilité de faire face à l’ennemi.