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de mai 1912, le 4 pour 100 des deux empires s’échange au même prix, à quelques centimes près, sur le marché de Paris, et cela en dépit de l’énorme supériorité économique de la Russie, de deux belles récoltes qui ont fait affluer à Saint-Pétersbourg l’or européen, de la prospérité industrielle de l’Oural, de la Pologne et du Donetz. Le Japon n’a pas les mêmes ressources ; il ne peut mettre en ligne que l’énergie de sa population, la sévérité de son administration et de sa gestion financière ; mais le prestige des succès obtenus dans plusieurs campagnes victorieuses a fortifié son crédit au point de le mettre sur le même rang que celui d’une nation qui, sur ce terrain, lui était jadis infiniment supérieure.

Dans les deux cas mémorables que nous venons de rappeler, des événemens semblables ont donc produit les mêmes effets. Dans les deux cas, un peuple dont la puissance financière dépassait de beaucoup celle de son adversaire, a été vaincu : tout d’abord, l’écart considérable qui séparait leurs crédits a disparu ; ensuite, pendant les premières années qui ont suivi la conclusion de la paix, la cote des fonds publics de l’Etat le plus pauvre s’est maintenue à un niveau beaucoup plus élevé que celle de l’autre.


IV. — CONCLUSION

Telle est la leçon qui se dégage des enseignemens de l’histoire. Jamais un peuple ne s’est abstenu de faire une guerre faute d’argent. Toujours il en a trouvé pour cet objet, soit à l’intérieur, en prélevant des impôts et en empruntant, soit à l’extérieur, en se faisant avancer par des puissances amies ou simplement par des communautés riches, les sommes dont il avait besoin. Une fois les hostilités commencées, c’est la fortune des armes qui décide de celle des finances. Le crédit suit la victoire, et le vainqueur n’éprouve aucune difficulté à émettre tous les emprunts qu’il veut. Les bailleurs de fonds n’ignorent pas quels heureux effets sur le commerce, l’industrie, la navigation, exerce le prestige militaire ; ils les escomptent et savent aussi qu’une indemnité plus ou moins forte vient généralement compenser, au moins en partie, les frais de la campagne encourus par celui qui reste définitivement maître du champ de bataille.

Le mécanisme du crédit moderne, loin d’être favorable aux