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était en mesure de venir en aide au marché américain. C’était le cas de rappeler le vers du fabuliste :


On a souvent besoin d’un plus petit que soi.


Mais il ne faudrait pas en conclure que notre richesse est supérieure à celle d’une République qui produit annuellement 25 millions de tonnes de fer et d’acier, 300 millions de tonnes de charbon, la moitié du pétrole et du cuivre qui se consomment dans le monde, plus de blé et de maïs qu’aucune autre terre du globe, et le reste à l’avenant. À cette production agricole et industrielle sans rivale correspond évidemment une force économique incomparable. Elle peut être gênée dans son expansion par des immobilisations, par un mauvais système d’escompte, par une conception erronée des garanties qui doivent être à la base de la circulation des billets ; mais les faits et les chiffres n’en sont pas moins là qui attestent la puissance des Etats-Unis. Qu’il s’agisse d’entreprendre une œuvre coûteuse comme le canal de Panama, de refaire une marine de guerre, ou de soutenir un jour l’effort de luttes gigantesques, les Américains peuvent envisager hardiment la tache qui leur serait imposée : ils auront les moyens de l’accomplir. Leurs Bourses dussent-elles alors être le théâtre de baisses violentes, comme il s’en est produit à New-York dans plus d’une circonstance, la profondeur de cette chute dût-elle dépasser de beaucoup toutes celles qui l’auraient précédée, les sources vives de l’énergie nationale ne seraient pas atteintes. Il faut se garder de confondre la structure d’un marché financier avec les matériaux qui constituent l’édifice économique d’une nation. La bonne organisation du premier a une importance indéniable ; elle permet de réunir rapidement les ressources dont un Etat peut avoir besoin à une heure décisive. Ensuite les élémens durables, ceux qui sont à la base même de la puissance, entrent en ligne ; et le peuple qui les possède en plus grand nombre supportera le mieux les épreuves d’une guerre qui se prolongerait.

A côté de ces données matérielles du problème, il en est d’autres infiniment plus importantes à considérer, le facteur moral, l’organisation sociale d’un pays, le patriotisme et l’énergie de ses habitans, leur conscience des devoirs à remplir vis-à-vis de la chose publique. Le peuple qui laisse s’affaiblir chez lui ces vertus primordiales, qui ne les cultive pas avec un